Chinatown : Chinatown goes français
Ces jours-ci, les gars de Chinatown trimballent leur rock sophistiqué dans l’Hexagone. Percera, percera pas? Petite analyse du phénomène avec un journaliste des Inrockuptibles.
On les attrape au cellulaire alors qu’ils se font dorer la couenne au soleil avant un test de son. Ce soir, les gars de Chinatown ouvrent pour Coeur de Pirate au Mans, après l’avoir fait aussi à Brest il y a deux jours devant une salle comble de 1300 têtes. "On est agréablement surpris, dit Julien Fargo, guitariste d’origine française qui habite Montréal depuis quatre ans. Les premières parties, c’est pas toujours évident. Le public de Coeur de Pirate est assez jeune; les spectateurs attendent impatiemment leur idole. Nous, on arrive là un peu outsiders, mais ils ont quand même tapé des mains sur nos chansons, on a réussi à les faire chanter et ils ont demandé un rappel."
Avant de rentrer à Montréal, le quintette a un autre spectacle à l’agenda, une gig à Paris, à l’International (200 places), avec deux autres groupes français. "C’est sûr qu’on espère attirer l’attention de quelques professionnels et que l’album sorte éventuellement en France. Certains groupes mettent du temps, d’autres démarrent rapidement… On verra ce qui se présente."
Dès juin, Chinatown retournera en Europe, en Suisse cette fois, pour le Festival Pully-Lavaux, consacré à la chanson française d’Amérique du Nord. "C’est particulier pour moi. Mes deux mondes s’entrechoquent: ma vie montréalaise avec le groupe d’un côté, et mes parents, mes amis de l’autre…"
Avec sa synthèse réussie d’une certaine idée de la chanson française héritée de Gainsbourg et d’une approche rock plutôt nord-américaine, on croit que Chinatown a de quoi séduire les cousins – et cousines – français. "Je le pense aussi, opine Pierre Siankowski des Inrockuptibles, qui s’intéresse depuis quelques années à la scène montréalaise. J’ai trouvé ça assez bien écrit et les mélodies sont super catchy. Le contraste textes durs sur des musiques lumineuses me plaît. Dans l’écriture, ils arrivent à faire quelque chose qu’on ne sait pas faire en France. Comme Coeur de Pirate, qui au début me faisait penser à Cat Power… Nous, quand on s’installe au piano, ça donne Juliette ou Jeanne Cherhal, quelque chose de très daté années 60 et 70, héritage de Barbara, tu vois… Et quand on donne dans le rock, le résultat est toujours un peu bizarre, si bien qu’on a inventé une expression aux Inrocks: le "rock français introuvable". De nombreux artistes français ont essayé d’en faire, mais on n’a jamais réussi à être pleinement satisfait du résultat… Noir Désir, c’était pas mal, mais l’influence de la chanson n’est jamais bien loin; le rock n’arrive pas à trouver son existence en France. Les seuls qui ont réussi chantent en anglais: les Dogs, Phoenix…"
Julien Fargo observe également que le public français est moins habitué à la culture de groupe. "Les musiciens sont souvent vus comme de simples intervenants autour de… Calogero, par exemple. Pour cette raison, il y a des jeunes qui nous rapprochent des B.B. Brunes. Ils disent: "Vous nous faites penser à eux parce que vous portez des blousons de cuir." Bon, c’est un peu primaire comme analyse, mais ils le font avec leurs repères et je trouve ça sympa." Vous nous rapportez quelques macarons et un peu de foie gras, les mecs?
À voir si vous aimez /
Serge Gainsbourg, Franz Ferdinand, B.B. Brunes