Arthur H : Un homme et son piano
Arthur H retrouve son piano pour un album et une tournée où il interprète seul ses meilleures chansons des dix dernières années.
Après L’Homme du monde, un disque festif plein de groove, de machines et de guitares, après une longue tournée où rythmes et énergie étaient combinés de façon explosive, Arthur H a choisi de s’accorder un moment de tranquillité. Avec l’album double Mystic Rumba, tout récemment paru, ce pourvoyeur d’ambiances noctambules et impressionnistes a décidé de revisiter en toute quiétude dix années de musique. Seul derrière son piano, Arthur H propose une relecture délicate et souvent poignante de 20 de ses meilleures chansons, y ajoutant au passage quatre nouveaux titres.
Mystic Rumba, c’est un best of déguisé, mais aussi un prétexte pour se lancer dans une tournée au cours de laquelle le chanteur à la voix graveleuse pourra se retrouver à nouveau seul sur scène avec un piano. "J’ai décidé de faire une tournée piano-voix et ensuite j’ai décidé de faire un disque. J’avais juste très envie de voir si je pouvais vivre l’énergie rock que j’avais expérimentée dans la dernière tournée, mais cette fois seul au piano et sans aucun artifice. On a fait le reproche à L’Homme du monde de ne pas être un disque assez émotionnel. Du coup, je me suis dit que ce n’était peut-être pas faux et ça m’a donné envie de faire quelque chose de très proche d’une émotion primaire. Mais en fait, j’ai quand même gardé pas mal de chansons de L’Homme du monde sur Mystic Rumba. Donc, oui, Mystic Rumba est complètement un best of déguisé", acquiesce cet artiste iconoclaste, fils de Jacques Higelin et demi-frère des chanteuses Barsony et Izïa. "Pour moi, ce sont à peu près les meilleures chansons que j’ai écrites depuis dix ans. En plus, là, elles sont toutes nues, elles n’ont aucune béquille. Toutes les chansons ont été modifiées par rapport à la façon dont je les ai composées. Je voulais leur donner une nouvelle forme, je voulais avoir l’impression de les chanter pour la première fois. J’ai changé complètement les arrangements et la tonalité, des fois même la structure des morceaux. C’est comme si tu sors un vieux costume du placard, tu le rapièces, tu changes une manche, tu remets des boutons, tu lui redonnes une nouvelle vie."
Savoir choisir
Dans l’exercice du best of, on se dit souvent que la sélection des chansons doit être déchirante pour l’artiste. Qu’est-ce qui détermine le choix de telle pièce et pas l’autre? Pour Arthur H, ce choix s’est fait en fonction de la portée planétaire de ses chansons. "Dans la chanson française, y a deux choses: y a la chanson pour les francophones et y a aussi l’art des francophones qui peut être assez fort pour être aimé et ressenti par des étrangers. Donc, mon idée était de prendre les chansons les plus claires dramatiquement pour que quelqu’un qui ne parle pas le français puisse les comprendre sans en saisir le texte. Par exemple, si tu vois un concert de Brel, d’Aznavour ou de Piaf, le texte est important, mais l’impact émotionnel de la chanson est tellement grand que ce n’est pas si important que ça de ne pas comprendre le texte. Les Anglais apprécient Brel, mais ils ne vont pas nécessairement triper sur Vincent Delerm ou Bénabar. Je voulais donc choisir des chansons qui avaient un environnement sonore émotionnel qui parle de lui-même."
Mas magique
Contrairement à ses deux précédents disques qui ont été créés en partie à Montréal au studio du réalisateur Jean Massicotte, Arthur H a choisi de concevoir Mystic Rumba dans un lieu plus propice au recueillement. "Le disque a été enregistré en janvier dans un très bel endroit en Provence (le studio La Fabrique, à Saint-Rémy-de-Provence), dans un mas immense, un lieu très chaud avec la plus grande collection de vinyles de musique classique en Europe. Il y avait donc des disques partout, des platines, une collection de livres sur le cinéma… c’est un endroit vraiment en dehors du monde", explique l’auteur-compositeur de son appartement à Paris. "Le titre du disque correspond aussi un peu au lieu et à l’ambiance générale. Mystic parce que je trouve que ce sont les choses invisibles qui soutiennent tout le monde visible. Être mystique, c’est avoir un rapport concret à l’invisible. Je trouve que c’est justement une bonne définition de la musique, car la musique, c’est inexplicable mais ça nous touche de manière irrationnelle et ça nous nourrit complètement. Moi, j’ai besoin avant les concerts, et même pendant, de sentir que je projette et partage mon esprit avec les gens qui m’écoutent. Et puis Rumba, c’est pour la sensualité, le sens de la fête, le côté très charnel de la musique."
Lhasa
"Pour Lhasa, ma soeur de rêve, vivante dans mon coeur. Tu m’as toujours inspiré et tu guides ma voix." Voilà les quelques mots touchants que l’on trouve dans le livret de l’album, mots qui dévoilent une profonde amitié entre Arthur et la regrettée chanteuse montréalaise. Se pourrait-il que le décès de Lhasa ait influencé Arthur H dans l’interprétation des chansons de Mystic Rumba? "Évidemment, j’étais très ému en enregistrant le disque parce qu’elle venait juste de partir. C’était vraiment super bizarre parce que chaque chanson que je chantais, j’avais l’impression que ça parlait d’elle et que c’était une espèce de lettre secrète qui aurait pu lui être destinée directement, raconte-t-il avec émotion. Quand je suis arrivé à Saint-Rémy-de-Provence, y a eu une énorme tempête de neige et j’ai été bloqué pendant 24 heures dans le studio sans électricité, alors que là-bas, il neige jamais, quoi. On était à la bougie… et ça ressemblait vraiment au Québec. J’étais très proche d’elle, poursuit Arthur la gorge nouée. C’était la seule personne que je connaissais avec qui je pouvais avoir des conversations artistiques sur vraiment des points très précis de notre travail. Je ne sais plus à qui parler de ces choses depuis qu’elle n’est plus là. Je l’ai rencontrée à Paris et j’ai vécu chez elle à Montréal. On se voyait une ou deux fois par an. Mais heu… (long silence)… ouais, c’est ça, quoi, c’est le voyage de la vie, totalement inexplicable. Si tu dois partir, tu pars, c’est comme ça et on n’y peut rien, mais moi j’avais encore envie d’être avec elle, à côté d’elle. J’avais aussi beaucoup envie d’écouter ses prochains disques, de voir comment elle allait évoluer. C’est sûr que quand quelqu’un part très jeune comme ça, c’est difficile."
Arthur futur
Mystic Rumba, c’est une pause, une façon de se ressourcer avant de repartir dans une nouvelle direction. Car des idées pour un nouvel album, Arthur en a plein. "Malheureusement, j’ai toujours des sensations d’échec après mes disques. C’est ce qui me pousse à me renouveler tout le temps, avoue ce funambule de la chanson. Là, je pense que pour le prochain album, je vais vraiment réfléchir à comment faire un disque actuel avec des moyens actuels. Une façon totalement différente de faire de la musique. Je crois qu’on ne peut plus se permettre aujourd’hui de faire les choses comme on les faisait dans le passé. On est un peu condamné à trouver de nouvelles solutions. C’est déstabilisant, mais il faut vraiment rendre les situations de crise créatives, sinon les crises, elles ne servent à rien.
Je crois que je vais aller vers des musiques encore plus trance, hypnotiques. Là, j’ai satisfait mon amour de la chanson, et après, je vais retourner à quelque chose de plus électro, plus que je ne l’ai jamais été. Mais avant, j’ai d’abord besoin de me ressourcer."
Solo show
Si Arthur H a choisi de revenir à la formule piano-voix sur disque et particulièrement en spectacle, c’est d’une part pour retrouver une nouvelle énergie, mais aussi parce qu’il sentait qu’il serait en mesure de vivre la scène d’une façon complètement distincte par rapport à ses précédentes expériences en solo. "C’est totalement différent parce que je me suis vraiment lâché sur la dernière tournée, et du coup, j’arrive à être vraiment centré, totalement détendu et aussi transparent aux émotions qui me traversent, et ça, c’est une sensation que je cherchais depuis très longtemps. De plus, ça me manquait de me retrouver seul sur scène avec un piano. J’aime bien ce rapport très libre avec le public. Y a aucune barrière, analyse le prolifique musicien. Durant ce spectacle qui dure au moins 2 h 15, je fais des morceaux très planants qui demandent une écoute assez fine, et après, je peux me lancer dans des trucs plus groovy. Évidemment, y a toujours de grosses déconnades qui peuvent arriver à un moment ou à un autre. Donc, c’est un bon mélange. J’ai envie que les gens ne voient pas le temps passer."
À voir si vous aimez /
Tom Waits, Miossec, Daniel Darc