Corinne Bailey Rae : Le long des golfes clairs

À la veille du début de sa tournée américaine, Corinne Bailey Rae ne cache pas que son emploi du temps surchargé a de quoi étourdir. "Mais je vais bien, je suis en pleine forme", m’assure-t-elle avec candeur.

L’affirmation étonne un peu quand on sait le drame qu’elle a vécu et le deuil qu’elle a dû traverser au cours des deux dernières années. Révélée en 2006 par un album éponyme vendu à près de 4 millions d’exemplaires, la chanteuse nous est revenue cet hiver avec The Sea, un nouvel opus forcément marqué par le décès de son conjoint, le saxophoniste Jason Rae, emporté par une overdose. De ce contrepoint tragique à son succès critique et populaire, qui a alimenté la presse à potins, témoigne notamment la chanson Are You Here? qui ouvre l’album.

Cela dit, The Sea n’est pas pour autant un disque sombre ou désespéré, ainsi qu’elle n’hésite pas à le souligner: "J’ai travaillé à en faire un disque plus dynamique, plus vivant que le précédent. Oui, quelques-unes de ces chansons abordent le thème de la perte et du deuil, mais la majorité d’entre elles avaient été écrites avant. Je les ai composées chez moi, à la guitare, sans trop de pression de la part du label, sans autre effort que celui de chercher les mots justes à coucher sur les accords et les mélodies." Quoique pas nécessairement pour les raisons évoquées par la presse, Corinne Bailey Rae donne raison aux critiques qui ont qualifié cet album de plus abouti que le précédent… "C’est vrai, c’est un album plus mature et c’est sans doute dû à l’expérience supplémentaire acquise à jouer sur des scènes partout à travers le monde, devant des publics tellement différents les uns des autres."

Pour tout dire, le parcours de cette ex-étudiante en lettres anglaises de la University of Leeds est jalonné de nombreuses expériences des plus formatrices, comme sa participation à l’extraordinaire album de Herbie Hancock, River: The Joni Letters, dont Corinne Bailey Rae interprète la pièce-titre. "Juste l’idée de collaborer avec Hancock m’enthousiasmait déjà, mais imaginez quand j’ai su que ce serait un album-concept axé sur Joni Mitchell… C’est une auteure de chansons tellement unique, avec un style tellement particulier. C’était tout un défi que de s’approprier son univers. Et puis juste à voir qui d’autre participait au projet… Hancock avait aussi recruté Tina Turner!"

À propos de son association au jazz, qu’elle a toujours fréquenté en dilettante, la jeune auteure-compositrice-interprète avoue qu’elle s’est laissé influencer par la note bleue de manière très spontanée, sans se soucier des catégories. "Ça se manifeste au moment de la composition; j’aime les progressions harmoniques du jazz sans forcément chercher à les comprendre, ces mouvements chromatiques. J’écris aussi d’autres chansons plus simples, plus directes, mais il est vrai que certaines successions d’accords très jazz m’allument et m’inspirent."

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