Dead Meadow : Un thé au Sahara
Rencontre avec la formation stoner rock Dead Meadow, les Touaregs version nord-américaine.
Distorsion omniprésente. Solos de six cordes galvanisés de wah-wah hurlants. Rythmes de batterie lourds, lents, tantôt jazzy lors de dérapes expérimentales. Voix lancinante, survolant un volcan sonore en pleine éruption. Voilà plus de 12 ans que Dead Meadow trimbale ses instruments d’une ville à l’autre. Stoner rock au gras saturé, nourri au psychédélisme de Hendrix et aux envolées planantes pinkfloydiennes, le registre du groupe est depuis longtemps associé au champ lexical narcotique tant il plonge l’auditeur dans une bulle enveloppante, décapante. "Ouais, disons qu’on en a marre de toutes ces blagues de pot et d’acide", lance le batteur Stephen McCarty en entrevue.
Deux après la parution de son cinquième compact, Old Growth, le trio américain revient avec Three Kings, un disque en spectacle témoin de la cohésion entre McCarty, Jason Simon (guitare-voix) et Steve Kille (basse). C’est d’ailleurs lors de la dernière tournée que Dead Meadow a eu l’idée d’un album live. "Après qu’on a passé des années sur la route à jouer presque tous les soirs, nos concerts ont atteint une qualité d’exécution qu’il fallait immortaliser. La qualité sonore y est excellente, car on s’est permis d’apporter notre matériel d’enregistrement dans un loft à Los Angeles où a eu lieu le concert."
En plus d’un survol rapide de la carrière de Dead Meadow, Three Kings inclut cinq nouvelles chansons ainsi qu’un film musical où les images du spectacle se superposent à celles des membres du combo pris dans trois histoires différentes. Réalisé par la boîte californienne Artificial Army (qui a aussi bossé pour The Sword, Mars Volta et Coheed & Cambria), le long métrage emprunte à l’univers des Touaregs, comme le vidéoclip de la nouvelle pièce That Old Temple, où les musiciens campent des rois du désert trônant au milieu de classiques amplis Orange. "Nous sommes fascinés par ces gens qui parcourent de longues distances pour arriver à leurs fins, comme ça se faisait dans les civilisations anciennes. L’image du désert nous fascine. Je trouve ça très poétique. Un peu comme dans Dune de Frank Herbert."
À leur façon, les trois Dead Meadow expérimentent une version nord-américaine des Bédouins. D’un côté, la vie de nomade s’apparente au quotidien des musiciens en tournée: "trois rois qui dorment sur des planchers et doivent faire réparer leur van lorsqu’elle tombe en panne." Mais aussi par cette quête vécue lorsque le groupe a décidé de quitter son Washington DC natal pour s’établir en Californie au début de l’année 2007, un exode pour lequel l’administration Bush est à blâmer. "Pendant les années Bush, de nombreux citoyens en désaccord avec les politiques du gouvernement ont quitté la ville, ce qui a passablement changé l’atmosphère à Washington. Même la scène musicale a changé. Je suis arrivé à Washington en 1997, dans les années Clinton. Les gens qui sortaient dans les bars et consommaient de la culture étaient beaucoup plus ouverts d’esprit. Pendant l’ère Bush, ce genre de personnes étaient considérées comme des extraterrestres. On ne se sentait plus très bien. Il fallait s’exiler."
Vrai qu’avec leurs gueules de rockeurs malfamés, on imagine mal les gars de Dead Meadow frayant avec la droite américaine.
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