Pierre Lapointe : Face à lui-même
Pierre Lapointe se présente à nous en compagnie d’un fidèle compagnon, son piano. L’occasion idéale pour lui de revisiter avec simplicité son oeuvre et d’offrir quelques inédites.
Les grandes productions scéniques se sont multipliées pour Pierre Lapointe ces dernières années. La Forêt des mal-aimés, le concert extérieur avec l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal et le chef d’orchestre Yannick Nézet-Séguin, Mutantès… Une succession de créations où le chanteur s’est exposé avec une distribution imposante. Le voici maintenant seul, en compagnie de son piano. Un récital qui s’inscrit en parallèle de la tournée Sentiments humains, qu’il trimballe toujours.
"Je suis conscient, lors d’un spectacle, que ces moments où je me retrouve seul à chanter au piano sont particulièrement intenses, remarque-t-il. Les gens sont touchés par ces interprétations. Du moins, c’est ce que je constate lorsqu’ils viennent me parler. Il y a une forme de symbiose qui s’opère lorsque je suis assis au piano. Je ris de moi lorsque je me regarde sur scène. Je fais face au public, droit et statique, avec des mouvements de tête syncopés! Je ne me suis jamais perçu comme quelqu’un qui est à l’aise dans ces circonstances, seul au micro et en tête d’un groupe. C’est pour ça aussi que j’amplifie ce défaut et que je le porte parfois à la dérision. Lorsqu’on est habitué d’être au piano, on se rend bien compte que c’est un écran protecteur."
Cet instrument a marqué ses débuts. Nous devrions même dire que sans le piano, Pierre Lapointe n’aurait peut-être pas découvert ses talents d’artiste. "Avant d’être chanteur, même avant de m’imaginer que je pouvais chanter, le piano était LA seule voie d’expression que j’avais. Ça m’a sauvé quand j’étais adolescent. Qui est bien dans sa peau à l’adolescence? Le piano, c’était pour moi une façon de communiquer autrement que par la parole. Dans ces circonstances, on s’expose, on s’exprime. C’est très abstrait. Au bout du compte, on développe une technique bien personnelle. Je cultive encore avec cet instrument un lien viscéral et sensuel."
L’auteur-compositeur-interprète a même constaté que son instrument fétiche était alors presque devenu une véritable obsession. "Chaque jour, je devais passer au moins deux heures au piano. Si je ne pouvais pas, c’était terrible! Pour te donner une idée, lorsque j’étais jeune, je faisais ce rêve, autant dire un cauchemar, dans lequel, à force de jouer au piano, en frappant de plus en plus fort sur les touches, mes articulations se fracturaient! Mes doigts pliés dans le sens inverse! Je me réveillais en peur, paniqué à l’idée que je ne pourrais plus jouer."
Le spectacle solo sera aussi un exercice de synthèse pour Pierre Lapointe. Il revisitera même quelques chansons incluses sur sa première maquette éponyme, qu’il nous avait offerte en 2002. Un disque qu’il avait vendu "à la mitaine" (plus de 2000 exemplaires) et qu’il n’a jamais réédité. "J’aime bien le phénomène de rareté. Lorsque La Forêt des mal-aimés est sorti, le timing aurait été parfait pour rééditer cette maquette, j’en suis bien conscient. Mais ça ne m’intéressait pas de faire de l’argent là-dessus. C’est un enregistrement maladroit! Comme la plupart des artistes, on n’aime pas trop se réentendre à nos débuts! Mais sur scène, avec le recul, c’est très agréable de revisiter ces chansons."
À écouter si vous aimez /
Albin de la Simone, Rufus Wainwright, Richard Desjardins