Chet Doxas : Embrasser le ciel
Musique

Chet Doxas : Embrasser le ciel

Sur Big Sky, son quatrième album, le saxophoniste Chet Doxas accueille dans son groupe un invité de marque nommé Ben Charest.

"J’ai travaillé avec plusieurs grands musiciens et, honnêtement, Ben Charest est le meilleur!" de s’enthousiasmer Chet Doxas, visiblement ravi de retrouver sur son nouvel album le guitariste aux projets duquel il a souvent participé au fil des 15 dernières années. Avec émotion, le saxophoniste se remémore cette belle époque de son adolescence où son père l’emmenait entendre le virtuose à L’Air du Temps, mythique jazz club du Vieux-Montréal. "Ben est tellement polyvalent, un musicien de classe internationale, vraiment. Avec lui, anything goes!"

Moins "expérimentaux" que l’album du trio ByProduct sur lequel Doxas et ses comparses flirtaient avec la musique actuelle, et davantage basés sur des mélodies complexes mais accrocheuses, les disques du Chet Doxas Quartet s’inscrivent plus volontiers dans cette veine du post-bop musclé dont Mark Turner et Seamus Blake sont de fiers représentants. Dans le cas de Big Sky, la guitare de Ben Charest confère même à certaines plages une texture quasi indie-rock.

Cela dit, le quartet et sa musique tirent leur force de la grande cohésion du jeu, l’espèce de télépathie qui relie ces mousquetaires au leader – en particulier le batteur du groupe, un certain JimDoxas! "Il est impossible pour moi de séparer notre relation fraternelle de notre relation musicale", admet le saxophoniste trentenaire. Notre père [George Doxas] étant musicien, Jim et moi, on a grandi dans la musique, on joue ensemble depuis qu’on est tout petits, on a écouté les mêmes disques, suivi les mêmes cours avec les mêmes profs." Les mêmes profs? En effet, Doxas a commencé sa formation musicale comme batteur, ce dont témoigne encore son redoutable sens rythmique. Et c’est l’apprentissage de la clarinette, une suggestion de son père, qui a facilité la transition des baguettes aux hanches.

Le côté "conversationnel" très ouvert, très démocratique des échanges entre Ben Charest, les frères Doxas et leur acolyte Zack Lober à la contrebasse s’explique par l’approche très libre privilégiée par le leader. "En dehors des passages plus complexes qu’il fallait répéter un peu pour ne pas se planter, je voulais miser sur la spontanéité. Comme j’ai composé les morceaux avec Ben Charest en tête, je lui ai laissé suffisamment d’espace pour qu’il s’exprime librement."

Attristé de la mort du saxophoniste et chanteur Johnny Scott emporté le 20 avril dernier par la maladie, Doxas se rappelle avoir eu le plaisir de partager la scène avec ce véritable pilier de la Maison du Jazz (autrefois Chez Biddle). Du même souffle, ce grand admirateur de feu Jimmy Giuffre évoque tous ces grands d’autrefois et d’aujourd’hui qu’il a connus sur disque ou dans la vie, à Montréal ou lors de ses années de perfectionnement à New York. "Quand tu vois des gens comme Mark Turner pratiquer aussi longuement, aussi intensément qu’un Tiger Woods, tu comprends que la musique est un sport extrême, au fond!"

À voir si vous aimez /
Mark Turner, Kurt Rozenwinkel, Jimmy Giuffre