Jamil : Le blues du mélomane
Depuis son AVC en 2008, Jamil ressent l’urgence de vivre. Après deux nouveaux albums en deux ans, il se gâte en retournant à ses premières amours, le blues. Enregistrement live au Zaricot.
"À mon avis, personne n’en a rien à foutre de Jamil qui chante du blues… Mais j’espère que je me trompe!" lance Jamil d’entrée de jeu. Depuis qu’il s’est rétabli de son accident vasculaire cérébral, le chanteur enchaîne les albums, les spectacles et les projets. Il avoue ressentir une certaine urgence de vivre et fait le décompte des choses qu’il veut réaliser à tout prix. Après Je dure… Très, très dur et À bas les roses!, il veut maintenant proposer au public un album live, tiré d’un spectacle blues qu’il donnera au Zaricot ce week-end. À propos de son choix de chansons anglophones, Jamil répond à la blague: "Depuis que je me suis fait opérer au cerveau, je chante en anglais!" L’album de covers va se nommer Blues Attempt, un titre avec lequel l’artiste admet le côté exploratoire de sa démarche. Bien que Jamil fasse une première tentative blues sur disque, il n’en est pas à ses premières armes dans le milieu. Il a créé un des plus gros festivals blues à avoir existé au Québec, Le Medley Blues, présenté pendant sept ans à Montréal.
Passer pour un fou
Jamil a grandi au son des 45 tours d’Aretha Franklin, Ray Charles et Joe Cocker que faisaient jouer ses parents. Il affectionne particulièrement les voix de B.B. King et d’Otis Rush. "Je voulais avoir un album blues dans ma discographie. Pour celui-ci, je vais faire des succès qui bougent. J’aimerais en faire un autre de ballades blues, mais seulement dans quelques années, car je n’ai pas encore la voix assez éraillée et maganée pour les ballades." Le spectacle qu’il va présenter va bouger et groover, nous assure-t-il. Il est entouré de sept musiciens, dont cinq sont issus de la formation éclatée Papagroove. Il est également accompagné par la choriste Josée Lefevbre, membre du groupe Kin Za Za. Jamil apprend depuis quelque temps l’harmonica et s’est fait donner des tuyaux par un harmoniciste montréalais bien connu des adeptes de blues, Carl Tremblay.
Jamil reconnaît toutefois qu’il fait tout un pari en essayant de convaincre son public de le suivre dans l’aventure. "Les gens qui viennent voir Jamil viennent entendre des chansons à texte, pas l’entendre chanter du blues, mais je crois qu’ils ne seront pas déçus d’être venus voir le spectacle." Le chanteur, qui semble se foutre de la critique, y est peut-être moins imperméable qu’on pourrait le croire. "Si je fais un compromis dans ce spectacle, c’est celui de passer pour un fou. Il y a peut-être des gens qui diront que je chante mal en anglais." Lorsqu’il est passé de producteur à artiste, certaines personnes ont eu de la difficulté à accepter la transition. Pour ce qui est de passer au blues, il n’a plus du tout ce sentiment d’imposteur, puisqu’il gravite dans l’univers blues montréalais depuis toujours. "J’ai beaucoup d’amis qui font du blues. C’est comme une famille pour moi."
Captation live
Ce n’est pas un hasard s’il a décidé d’enregistrer un album live. Ça avait déjà été le cas pour son premier album, et les chansons de Je dure… Très, très dur ont été captées live en studio, une méthode d’enregistrement que Jamil aime particulièrement. "C’est comme le direct à la télé. Quand tu enregistres une émission pré-enregistrée, tu perds toute la magie du moment", explique-t-il. "On est un band et on peut sentir la frénésie qu’il y a lorsqu’on enregistre tous ensemble. C’est quelque chose qu’on ne peut reproduire lorsqu’on enregistre nos parties chacun son tour", ajoute Jamil.
Pour ce qui est de la suite de ce spectacle, Jamil espère pouvoir donner quelques représentations à l’automne après la sortie du disque, à Montréal. Toutefois, l’aspect marketing de la chose ne l’intéresse plus vraiment. "Je ne suis plus intéressé par les prérogatives de mise en marché habituelles dans l’industrie du disque. Je fais un album parce que j’en ai les moyens, mais je ne m’attends pas à faire un rond avec ça", soutient-il. Dans les prochaines années, il veut voyager, faire des spectacles, apprendre à jouer de la trompette, du saxophone et de la contrebasse et il a déjà prévu ses trois prochains albums. Une chose est sûre, Jamil dure et perdure!