La première fois que j’ai parlé de Simon Bertrand dans ces pages, c’était en 2001; il revenait d’un long séjour au Japon et découvrait les difficultés associées au métier de compositeur de musique de concert au Québec. À l’époque, il devenait le premier compositeur en résidence à la Chapelle historique du Bon-Pasteur (c’est aujourd’hui Cléo Palacio-Quintin qui occupe ce poste) et multipliait les créations. "Comme me le disait George Nicholson, il y a deux étapes dans la vie d’un compositeur québécois: il faut d’abord exister, et ensuite il faut durer… À cette époque, je cherchais à "exister", à faire mes preuves, mais c’est très difficile pour nous tous d’obtenir une certaine reconnaissance au-delà de la flavor of the month… Je ne sais pas si je suis toujours un jeune compositeur – je viens d’avoir 40 ans -, mais j’en suis maintenant à essayer de "durer"!"
Après la création de son opéra Prochain Départ, en 2006, Simon quittait effectivement le Québec, cette fois-ci pour le Danemark. "Je comptais y séjourner deux mois, j’y suis resté un an et demi! J’y ai travaillé avec Per Nørgård et je me suis mis à la musique de film. J’ai pu composer deux musiques pour des films de la compagnie de production de Lars von Trier, Zentropa, et ça a beaucoup ouvert mes propres horizons au regard de mes capacités à élargir ma palette." Au retour de ce séjour, il s’embarquait dans la délégation canadienne pilotée par la SMCQ pour le grand concours international de composition de l’exposition de Shangai (c’est Denis Gougeon qui a remporté la représentation canadienne – son oeuvre sera créée à Shangai le 3 mai prochain). Au retour de ce nouveau périple asiatique, il se désolait dans une lettre ouverte du peu d’intérêt suscité chez nous par cette aventure importante pour plusieurs compositeurs d’ici (voir le blogue de la SMCQ: smcqshanghai.wordpress.com). "Ça m’a donné envie d’écrire pour orchestre, et ça, au Québec, c’est encore une autre croisade! Je voudrais essayer de refaire la connexion, qui semble bien s’être brisée, entre l’orchestre symphonique et les compositeurs vivants… Il faut trouver une façon de rétablir le contact."
À défaut d’une commande pour orchestre, le compositeur a lancé une souscription pour une nouvelle pièce: 22 miniatures pour piano d’après les 22 arcanes majeurs du Tarot de Marseille. "J’ai vendu chacune des pièces à venir à des commanditaires privés, des gens du milieu, des amis, etc., et j’ai pu me lancer dans la composition de ces 22 petites pièces pour piano, piano jouet et accessoires, inspirées par le voyage initiatique que représente le jeu de tarots." C’est Jacques Drouin qui donnera cette première audition de la nouvelle oeuvre de Simon Bertrand. Lorraine Vaillancourt se joindra à lui pour interpréter quelques-uns des Jeux de György Kurtág pour piano à deux ou à quatre mains. Petites musiques à découvrir.