Bill Dixon : Complètement libre
Musique

Bill Dixon : Complètement libre

Musicien hors norme, Bill Dixon s’applique encore à transformer la musique selon ses principes. Il continuera d’écrire sa propre histoire jusqu’à la fin.

Il est exceptionnel d’avoir la chance, encore aujourd’hui, de voir le trompettiste Bill Dixon à l’oeuvre sur scène. L’artiste, diminué par la maladie, a maintenant 85 ans. Mais en discutant avec lui, on est surpris de constater que l’homme est parfaitement lucide, capable de nous exposer avec ampleur et précision sa science.

Ne tentez pas d’isoler le compositeur dans son passé. Une simple interrogation de notre part sur son travail avec Archie Shepp dans les années 60, et le voilà qui nous rappelle à l’ordre sans hésiter: "Tu me parles d’Archie Shepp, c’est bien ça? Ça fait 40 ans de ça; je n’en parle plus." Dixon regarde toujours en avant. C’est ce qui a distingué sa carrière, et ça ne changera jamais.

En créant la Jazz Composer’s Guild Association en 1964, le trompettiste affichait ses couleurs et revendiquait la création totale. Tout à la fois compositeur et enseignant, il a toujours été en marge, sinon en avant des courants. "La bonne musique, c’est celle qui va en avant, celle qui cherche une autre issue, indique-t-il. Ces mouvements d’"avant-garde" ne rendent pas toujours les gens heureux. Tout simplement parce que ces gens sont obsédés par les concepts. Qu’est-ce que ce serait pour eux d’essayer de comprendre où se dirige cette musique? Monk était-il libre? Boulez et Charlie Parker, eux, l’étaient-ils aussi? Avant même que des critiques musicaux commencent à parler de ma musique, je savais ce que je faisais. Ces critiques voudraient être dans le siège du conducteur alors qu’ils ne savent pas conduire."

Et le free jazz, Monsieur Dixon, qu’est-il devenu aujourd’hui? "Les titres sont complètement inutiles. Les gens veulent compartimenter la musique pour satisfaire leur propre intelligence. Ils parlent de ce qu’ils ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre. Free jazz!? Qu’est-ce que c’est? Y a-t-il du free Mozart? Du free Beethoven? La musique, elle change avec le temps. Et nous, on se transforme avec elle. C’est tout."

Et le compositeur, brillant pédagogue, revient sur Tapestries for Small Orchestra. Cette dernière composition, présentée au FIMAV, représente bien la quête qui dirige encore ses choix esthétiques. L’essence de la musique, comme il le dit si bien. À ses côtés, on retrouve entre autres Michel Côté (clarinette basse), un musicien bien de chez nous, ainsi que Warren Smith au vibraphone. "Si on veut, la musique représente la plus grande forme d’art qui existe. Je parle de cette musique où des musiciens sont à l’écoute des autres pour créer quelque chose de complètement différent. Maintenant, la relation avec le public, ça, c’est un catch-22! On ne sait jamais. Mais je suis curieux de nature: viens me dire ce que tu as ressenti lors de ce spectacle, mais pas ce que tu en as pensé."

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