Robert Marien : L’insondable Lucia
Après la comédie musicale, Robert Marien fait ses premiers pas à l’opéra à titre de metteur en scène. Rencontre avec un comédien pas comme les autres qui se nourrit d’art lyrique.
Robert Marien ne manque pas de mots pour décrire sa vision et ses objectifs. Son projet d’adaptation du répertoire de Jean-Pierre Ferland en comédie musicale demeure. Il vient de terminer un tournage (le film Lance et compte) et sort à peine de la comédie musicale La Mélodie du bonheur, où il interprétait le rôle du capitaine von Trapp. Le voici maintenant à l’Opéra de Québec, pour mettre en scène Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti.
Cette tâche semble être pour lui une façon de mettre en application une volonté artistique qu’il cultive depuis des lustres. Marien n’est pas le comédien typique qui ne s’adonne qu’au théâtre et aux séries télévisées. C’est avant tout un homme de musique, et son expérience dans la comédie musicale Les Misérables, où il a interprété le rôle de Jean Valjean à Montréal, à New York et à Londres, le confirme.
"J’ai accepté ce mandat à l’opéra alors que tout allait arriver en même temps, se rappelle-t-il. Je m’entretenais avec Grégoire Legendre (directeur de l’Opéra de Québec), et le baryton Étienne Dupuis (dans le rôle d’Enrico) ainsi que le ténor Marc Hervieux (dans le rôle d’Edgardo) l’accompagnaient. Ça m’a mis en confiance. Pour Marc, ce n’est pas son premier Lucia! À mon avis, le rôle d’Edgardo sera bientôt chose du passé pour lui. Son registre est d’une telle ampleur! Lui-même me disait qu’il a signé à l’avance pour des représentations de cet opéra, ailleurs, sans trop se rendre compte de cette réalité. Avec le chef d’orchestre Giuseppe Grazioli, je suis bien entouré dans cette production. Moi, ce que je souhaite, c’est que les gens constatent que je suis ici à ma place, en tant que metteur en scène."
Avec Lucia di Lammermoor, nous devons accepter le concept de la tragédie "à l’italienne". Certains vous diront qu’il ne s’agit que d’un faire-valoir pour l’aria et la colorature. Donnez-nous la mad scene – l’aria de Lucia, Ardon gli incensi, qui sera interprétée par la soprano Elena Xanthoudakis – et voilà le spectacle.
Voyez-vous, Lucia doit se marier avec Arturo pour garantir la fortune d’Enrico, son frère. Mais elle tombe amoureuse d’Edgardo, "après l’avoir sauvé d’un taureau en furie!" indique Marien. L’action se situe en Écosse, à Édimbourg, et Edgardo a joué au torero Peu importe, la composition des personnages demeure importante aux yeux du metteur en scène. Lucia sombrera par la suite dans la folie meurtrière avant de mourir. Edgardo, censé faire duel avec Enrico pour réparer cette injustice, se suicidera à l’annonce de la mort de Lucia.
"Mais il y a ce puits, la source d’une croyance ou d’un mythe, précise Marien. Un mythe cultivé par Alisia, la compagne de Lucia. Un fantôme, qui survient et qui veut sa liberté. Lucia n’était pas amoureuse la première fois que cette apparition a eu lieu. C’est le destin. C’est une malédiction. Je fais intervenir ce fantôme à plusieurs moments dans l’opéra. Une fois sorti du puits, il se glisse dans la vie de Lucia. Existe-t-il vraiment, ce fantôme? C’est comme tu le dis, c’est peut-être la folie qui apparaît chez un être fragile. Mais peut-on mourir de folie?" Il y a de quoi s’amuser à l’opéra. ?
À écouter si vous aimez /
Anna Bolena de Donizetti et l’interprétation de Lucia par Maria Callas.