LCD Soundsystem : Une belle mort
L’improbable rock star des pistes de danse y va d’un ultime tour de piste. Ce troisième album sera le dernier, James Murphy saborde le projet LCD Soundsystem pour mieux se réinventer. Entrevue en forme d’épitaphe.
C’est fini. Après une demi-décennie à refondre l’ADN des genres musicaux dans le laboratoire dansant de LCD Soundsystem, James Murphy retire son sarrau et met la clé sous la porte. "Ce n’est pas une blague ni un bobard pour alimenter ma propre légende, assure-t-il. Ce n’est pas non plus la fin de ma carrière musicale… Seulement, depuis que les pièces qui allaient composer le premier album sont parues sous forme de singles, je passe le plus clair de ma vie en tournée, et j’aimerais avoir plus de temps pour faire autre chose."
Dernière créature hybride issue des travaux de Murphy, This Is Happening ferme la boucle avec un ensemble de morceaux qui témoignent du chemin parcouru en forme de synthèse presque parfaite. Alors que le précédent, Sound of Silver, flirtait avec un plus grand public et un esprit résolument rock, Murphy revient ici à des formats plus dilatés, balayant toute prétention pop (voir la superbe You Wanted a Hit) en même temps qu’il en convoque quelques légendes (dont un Bowie gros comme ça sur All I Want).
"Pour le premier album, je ne me prenais pas assez au sérieux, je laissais les choses aller. Pour le second, j’ai voulu corriger cela, j’ai voulu avoir le courage d’assumer vraiment ce que je faisais, de faire mieux. Maintenant, je cherche à être plus mélodieux…", dira-t-il un peu sèchement à propos de ses trois disques, surtout nés du désir de faire avancer une scène new-yorkaise moribonde.
"Je n’essayais pas de faire quelque chose de nouveau, seulement quelque chose de bon, se souvient-il. Mais à l’époque, faire quelque chose de bon, c’était plutôt novateur puisque la musique ici était terriblement mauvaise. J’aimais les Strokes, mais c’est à peu près tout. Si c’est mieux aujourd’hui? Pas vraiment. La plupart de ces groupes sont nuls. Je ne comprends pas pourquoi ils font tous plus ou moins la même chose…"
LCD Soundsystem peut bien mourir, le trublion aux propos acides n’est pas près de disparaître. Ni son héritage musical, celui du critique aussi savant qu’impitoyable qui choisit cependant de prendre les choses en main (et des risques) en fondant sa propre étiquette (DFA, pour Death From Above) et en créant sa musique comme il faisait jouer celle des autres: entre l’extrême prétention de l’exégète qui fait l’étalage de ses connaissances et la générosité du DJ qui cherche à faire plaisir, à faire bondir la foule.
"Si elle se prend trop au sérieux, la musique dance cesse d’être intéressante, expose Murphy. Mais si, au contraire, elle est complètement vidée de toute substance, elle est ennuyante. Je pense que les gens ressentent cela, et même s’ils croient avoir du plaisir sur le moment, ils sont aussi tristes à l’intérieur. D’une autre manière, si on leur balance toujours des pièces qu’ils ne connaissent pas, ils se sentent insultés, rabaissés. Entre les deux, il y a cet espace très petit où les choses se passent."
C’est cette infime zone entre racolage et avant-garde qu’exploite avec brio la musique de LCD Soundsystem. Une musique capable de faire vibrer les culs comme les âmes, d’éveiller en vous le punk et la reine disco, jetant un brouillard sur la frontière qui sépare les champs de l’érudition et de la dérision. "Toutes les choses devraient être ainsi, philosophe Murphy. Tu ne passes pas tout ton temps à parler de la mort avec tes amis. Vous faites la fête et dites tout un tas de conneries ensemble, puis quand il arrive quelque chose de grave et que quelqu’un meurt, par exemple, tu sais qu’ils sont là pour toi, pour te soutenir. Pour la musique, c’est pareil. C’est à la fois sérieux et futile, drôle et terrible. Comme la vie, comme toutes les choses qui en valent la peine."
LCD Soundsystem
This Is Happening
(Virgin / EMI)
À voir si vous aimez /
!!!, Holy Fuck, la trilogie berlinoise de David Bowie