Naïd : Musique populaire
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Naïd : Musique populaire

Deux ans après L’Ultimatum, le slameur Naïd lance Son de quartier, un mini-album inspiré du milieu où il vit.

Il y a presque deux ans, Naïd (alias Dany Carpentier, fondateur du Festival urbain) s’était jeté dans le vide. Adorant surprendre, il s’était lancé publiquement le défi de se trouver un contrat de disques en quelque huit mois. Le projet s’appelait L’Ultimatum. Et chaque semaine, sur un site Internet du même nom, il racontait le fruit de ses démarches dans des capsules vidéo.

"À la fin du défi, je devais dire si ça avait marché ou non. J’avais annoncé que j’avais eu des offres de contrat de disques, mais que je ne savais pas si j’allais y répondre. Car si on te propose un contrat de disques, ça ne veut pas dire que tu vas l’accepter. À ce moment-là, j’avais eu deux offres. Il y en a une que j’ai mise de côté parce qu’à mon avis, ce n’était pas du monde professionnel. Je n’étais pas pour mettre mon bébé, ce que j’aime faire, entre les mains de gens auxquels je ne croyais pas. J’ai finalement signé avec Rico Rich, le gérant d’Accrophone et de Movèzerbe, deux groupes rap aussi jazz un peu", explique le MC.

Un premier album est donc prévu pour l’automne. Mais d’ici là, Naïd avait envie de prendre le pouls, d’où la sortie du mini-album Son de quartier: "Là, j’y vais en théorie, parce qu’en pratique, je ne sais pas ce qui va se passer: mais pendant que je vais commercialiser le mini-album, je vais en avoir un autre qui va pousser. Et ainsi de suite. J’ai compris comment ça se passait dans le milieu. Sinon, tu dis toujours que tu vas sortir un album, mais tu ne le fais jamais. Et quand tu le sors, les gens ne te connaissent pas. C’est pour ça que je sors un mini-disque avant."

LE RYTHME D’UN QUARTIER

Le maxi comprend six chansons inspirées du milieu où l’artiste vit à Trois-Rivières: le quartier Sainte-Cécile. "Ça s’appelle Son de quartier; c’est un peu pour rendre hommage à tout ce dynamisme-là, cette résilience-là." Cette résilience? "Les gens, ici, ont beaucoup de contraintes. Ils viennent d’un quartier populaire où ils ont peu d’espace, ils ne vivent pas richement, ils n’ont pas vraiment toutes les infrastructures ni l’aide qu’ils voudraient. Ça fait un peu rough and tough de dire ça, mais c’est un milieu où la violence et la drogue sont là. Et malgré tout, il y a quand même beaucoup de gens qui s’en sortent forts et dynamiques!" Sans reprendre son souffle, le verbomoteur ajoute: "Son de quartier, c’est de la musique qui veut représenter cette vie-là. Des fois, il y a des délires, des rages… Et c’est toujours le fun à écouter dans un char ou dans un bloc appartements où tu connais bien tes voisins. Le disque est fait pour être écouté à un certain volume quand même!"

Miroir d’une microsociété, Son de quartier a par ailleurs été créé de A à Z dans ledit quartier. "Le gars qui a fait la musique reste ici, au-dessus. Moi, j’habite à deux coins de rue. Le mixage s’est fait pas loin aussi", souligne le dynamique personnage, devant une soupe au Bucafin.

Même s’il puise son inspiration dans l’univers un peu plus dur des premiers quartiers, l’album n’entretient aucun lien de parenté avec le gangster rap américain. Au contraire, ses textes poétiques et intelligemment ficelés offrent une bonne dose de soleil. Naïd, qui surfe entre le rap et le slam, espère entre autres "remixer la génération" (Brume d’automne), fait un clin d’oeil à la magie du Festival urbain (Rassemblement) et exprime sa déception face à la machine politique: "Ça a brassé dans ma petite vie politique. Mais au lieu de l’exprimer par la dénonciation et la rage, j’ai juste voulu rebondir. En gros, j’ai été surpris et déçu de voir comment ça fonctionnait des fois. Je ne savais pas quoi faire avec ce que je voyais, avec les informations que j’avais. J’avais une vision bien naïve de la réalité… Souvent, on pense que les gens consultent, essayent de mobiliser la population, qu’ils jouent la carte de la transparence. Et j’ai été déçu parce que ce n’était pas ça. Mais là, je suis rentré chez COMSEP. Je travaille avec plein de gens humains, des vrais, qui n’ont rien à cacher et qui ont un grand coeur. Je donne des ateliers de conscientisation. Je fais un peu d’alphabétisation, et, en même temps, je leur fais prendre conscience de leur environnement et de leurs droits."

LES PROMESSES DE DEMAIN

Rencontré quelques jours avant le lancement, Naïd ne semble nullement stressé quant au destin de son dernier-né. Il envisage même la suite des choses avec beaucoup de sagesse: "Tu sais, tu prends des risques en lançant un CD, qui va peut-être fonctionner. Ce qui est sûr, c’est que moi, je vais avoir pris conscience de certaines choses à travers cette musique-là. Mais c’est aussi pour les autres. J’ai donc essayé d’inspirer les gens. Parce que c’est ça que ça me fait, de la musique: ça m’inspire à passer une belle journée, ça me permet des fois de me défouler quand je vis des choses. Et c’est un peu ça, ce à quoi je veux servir. Si le disque fonctionne, tant mieux. Sinon, je l’aurai fait pour moi." ?

Naïd
Son de quartier
(Indépendant)
Disponible sur http://naid.ca

À écouter si vous aimez /
Ivy, The Herbaliser, Accrophone