Sharon Jones & The Dap-Kings : Conte de fées vintage
Sharon Jones & The Dap-Kings s’amènent en ville précédés d’une réputation béton. Rencontre avec une chanteuse au coeur de sa deuxième vie.
Elle aime le clamer haut et fort en entrevue, la chanteuse Sharon Jones a obtenu son premier contrat de disque à l’âge de 40 ans, en 1996. Elle avait bien participé à quelques concours amateurs au début des années 70, mais sans plus. "La musique n’occupait pas une place prédominante à la maison. Je n’écoutais pas James Brown en me disant que je pouvais devenir une vedette soul."
C’est pourtant flanquée de l’étiquette "étoile montante du soul" que Jones se produira cette semaine au National pour interpréter les pièces de son quatrième album, I Learned the Hard Way. Un statut qui, 14 ans après son premier enregistrement professionnel, aurait dû perdre son épithète "montante" il y a fort longtemps. Dans le meilleur des mondes, Sharon Jones aurait percé les ondes des radios commerciales avant Amy Winehouse, avec qui elle partage quelques musiciens, mais surtout le même son vintage, le même groove.
Pour Jones, ce son obtenu grâce à un procédé d’enregistrement calqué sur celui qu’utilisait James Brown avant la guerre du Vietnam est imputable au producteur et bassiste Gabriel Roth (alias Bosco Mann). C’est Roth et son collègue de l’époque, Philip Lehman, qui ont appelé la dame afin qu’elle accompagne Lee Fields en studio au milieu des années 90. "Ils savaient que je chantais parce que, à ce moment, je sortais avec un musicien habitué de leurs séances d’enregistrement", précise Sharon. Rapidement, la dame est devenue la voix puissante des projets de Bosco Mann, l’homme qui a fondé l’étiquette Desco Records avec Lehman, puis Daptone Records, en solo, quelques années plus tard. Aujourd’hui, Sharon Jones est la figure dominante de Daptone, basé à Brooklyn, et compte sur un groupe de musiciens hors pair mené par ce même Bosco: les Dap-Kings, l’une des machines funk-soul les mieux huilées de l’histoire.
Même si elle affirme que ce fameux coup de téléphone n’a pas vraiment changé sa vie – "la musique a toujours été ma vie, même avant de rencontrer Gabriel" -, l’histoire de Jones a tout d’un conte de fées moderne. Afro-Américaine bien en chair née en Géorgie, Sharon Jones a vécu seule avec sa mère, à New York, après la séparation de ses parents. Son père est mort quelques années plus tard, "un événement peu significatif parce qu’il n’était pas présent dans ma vie". En fait, l’un des seuls legs du paternel aura été ces cours de maniement d’armes à feu qui ont permis à Jones de se dégoter des boulots de gardienne de prison et d’agente pour la Wells Fargo Bank. "Je livrais de l’argent dans des guichets automatiques à bord de fourgons blindés. Comme tout le monde, je devais payer mes comptes et j’aimais ce genre de jobs parce qu’ils payaient bien."
Encore aujourd’hui, Sharon Jones travaille pour acheter une maison à sa mère. Seule différence, la nature de l’emploi. Au moment de notre appel, un vendredi midi, la chanteuse dormait dans son autobus de tournée après s’être couchée à 4 heures du mat’. "C’est pas mal mieux que de se balader dans le camion d’une banque, je peux te le dire." Sans aucun doute.
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