Tanya Tagaq : Beauté nordique

Pour la Canadienne Tanya Tagaq, le bonheur est au nord. Originaire du Nunavut, cette artiste du chant de gorge réside désormais à Yellowknife. Nous l’avons jointe là-bas via une ligne téléphonique hasardeuse, quelques jours avant une tournée européenne qui, malheureusement, s’est vue bousculée par le crachat d’un méchant volcan islandais. "On a déjà annulé un concert, celui de Londres, se désole-t-elle. Ça aurait été un cauchemar pour s’y rendre à temps."

Toutefois, ne comptez pas sur la chanteuse pour en vouloir à l’Islande, car elle doit son salut à la grande ambassadrice du savoir-faire créatif de ce pays nordique: Björk. "Je faisais un concert impromptu lors d’un festival; j’y présentais mon travail en arts visuels. Il s’est avéré que des Islandais se trouvaient dans le public et qu’ils ont enregistré mon chant de gorge." L’enregistrement s’est retrouvé entre les mains de Björk qui, par la suite, l’invita à participer à ses concerts. Le chant de Tagaq s’est également retrouvé sur son album d’expérimentations vocales, Medúlla. "Les coïncidences peuvent parfois être bonnes, n’est-ce pas?!" Effectivement. Il y a là matière à pardonner tout écart de conduite volcanique.

C’est après une tournée avec la reine de la pop islandaise que Tagaq opta réellement pour une carrière en tant que chanteuse de gorge. "Je me suis dit que si elle aimait, peut-être que d’autres gens aimeraient également. D’ailleurs, je suis tellement reconnaissante envers chacune des personnes qui aiment mon chant. Si quelqu’un peut ressentir ma musique un tout petit peu dans son coeur, ça me touche terriblement."

Grâce à l’approbation de Björk, l’Europe a tout particulièrement embrassé la carrière de la Canadienne, qui a deux albums à son actif: Auk/Blood (2008) et Sinaa (2005). "Pour les Européens, je suis exotique! (rires)" Et comment est-elle perçue par les siens, le peuple inuit? "Je ne sais pas. Je n’ai pas fait de concert là-bas… mais j’aimerais tellement ça!"

CORDES SENSIBLES

Le chant de gorge de Tanya Tagaq fait fi des traditions et prend forme au fil de prestigieuses collaborations (Kronos Quartet, Buck 65, Mike Patton…) et d’expérimentations. Parfois, elle explore des zones éthérées et sensuelles, mais elle sait aussi user d’une étonnante violence; il y a des fantômes qui hantent les cordes vocales de l’artiste. "Tu sais… il y a une petite et délicate partie à l’intérieur de nous qui demeure difficile à montrer aux gens, même à nos meilleurs amis, notre amoureux, notre famille… C’est épeurant de la montrer parce qu’on dévoile vraiment qui nous sommes. Je crois que j’essaie de donner l’exemple, de montrer que ce n’est pas si effrayant de dévoiler exactement ce qui nous habite."

À force de s’exprimer de la sorte, Tagaq est devenue foncièrement libre. "Je suis comme un petit animal. Je vis constamment dans le moment présent. Je suis sur terre pour accomplir des choses fort simples: être une bonne mère, cuisiner, chanter, peindre et baiser. Je n’ai pas l’impression de suivre un chemin. En fait, j’ai un problème avec l’autorité. (rires) Si les choses vont dans une seule et même direction, je m’ennuie et je fais l’opposé."

En concert, cette liberté s’impose par des improvisations, influencées par les musiciens qui entourent la chanteuse. "J’ai quelques formations. Le chant de gorge peut marcher avec presque tout. Je commence à peine à expérimenter. J’ai des projets qui sont si étranges que je me demande parfois si je peux me permettre de les faire! Là, je veux un groupe heavy métal… je travaille là-dessus!"

Lors de son premier concert en sol québécois dans le cadre du Festival de musique actuelle de Victoriaville, elle sera accompagnée du violoniste Jesse Zubot et du batteur Jean Martin. "C’est mon groupe bizarre. Les trois, on est si étranges! Ensemble, on va dans des zones très intenses." Les beautés du Grand Nord n’auront jamais été aussi proches.

À écouter si vous aimez /
Les expérimentations musicales, le chant de gorge, Björk