Stacey Kent : L'amour à la française
Musique

Stacey Kent : L’amour à la française

Stacey Kent partage avec nous sa passion pour une langue qu’elle a adoptée sans compromis. Elle se raconte maintenant sur scène en français, et se laisse bercer par le jazz des mots.

Nous sommes partagé à l’écoute de Raconte-moi… Le dernier album de Stacey Kent, qui revisite quelques classiques de la chanson française (Barbara, Henri Salvador, Benjamin Biolay et Keren Ann), nous habille de dentelle et nous offre une mosaïque tout de ce qu’il y a de plus réconfortant. À tel point qu’on se surprend à faire du easy listening tellement le jazz semble être mis de côté au profit de ce décor douillet.

L’interprète jazz francophile nous fait depuis longtemps quelques clins d’oeil en français lors de ses prestations scéniques, avec des reprises qui font mouche, dont celles de Serge Gainsbourg (Ces petits riens et La Saison des pluies qu’on retrouve aussi sur le précédent album, Breakfast on the Morning Tram). Mais avec ce petit dernier, qu’elle semble chérir plus que tout, elle nous plonge dans un univers contemplatif qui n’est habituellement pas la tasse de thé des interprètes jazz, plus portées vers la gymnastique musicale."C’est sans doute l’album le plus personnel que j’ai fait jusqu’à maintenant, admet-elle dans un français quasi impeccable. C’est vrai qu’il est très intime. La chanson-titre représente très bien l’univers que vous me décrivez. C’est tendre et doux. Deux amants, derrière une porte, isolés du monde extérieur. Ils sont là, seuls, et parlent de n’importe quoi. Peut-être, aussi, seulement pour entendre la voix de l’autre. C’est très romantique. Écouter la voix de la personne qu’on aime, j’adore cette idée!"

Loin d’être intimidée en face des interprètes qui ont contribué à faire de ces textes des immortels auparavant, Kent a voulu nous exposer une musique bien à elle. "Je ne connaissais pas beaucoup Henri Salvador lorsque j’ai choisi Jardin d’hiver. Pire, lorsque j’ai découvert Le Mal de vivre, je ne savais même pas qui était Barbara!"

Toujours à la tête de la direction artistique, Stacey Kent a relancé l’équipe française de l’étiquette Blue Note pour pouvoir faire des choix judicieux en compagnie de son mari, le saxophoniste Jim Tomlinson, qui signe les arrangements. "On discute beaucoup Jim et moi, on aime que les chansons puissent respirer. Il réussit à faire des arrangements simples, qui exposent les mots. C’est délicat et fragile. J’ai une confiance totale en son travail. Après toutes ces années, il me comprend et il connaît bien ma voix."

Une voix qu’elle semble avoir voulu soumise à la langue de Molière. À l’écoute de cette production, vous constaterez qu’il ne s’agit point là d’un caprice exotique. Kent s’est bel et bien consacrée au français. "On ne parle jamais de la sensation qu’on a, en tant qu’interprète, de chanter dans une autre langue. Tout change, notre visage et son expression. On habite alors une autre enveloppe et on doit l’apprivoiser. C’est un défi et ça me nourrit aussi en tant qu’artiste. Maintenant, je m’intéresse au portugais. J’adore la poésie portugaise! Je crois que je suis amoureuse des mots. Pourquoi snow est anodin alors qu’hiver sonne si bien? La même chose pour boca ("bouche" en portugais), c’est si sensuel."

À écouter si vous aimez /
Emilie-Claire Barlow, Jessica Molaskey, Blossom Dearie