CEA : Dompter la nuit
Musique

CEA : Dompter la nuit

Collectif engagé et festif, CEA amorce l’été en lion et compte bien être partout à la fois. Tentons de percer le mystère de cette attitude pugnace qui lui donne du chien.

La discussion débute sur les chapeaux de roues, alors qu’on est assis dans une voiture avec Lou et Bob Bouchard, M.C. au sein de CEA, et la chanteuse Marième. La conversation dérive rapidement sur la réalité musicale de la ville de Québec. Alors qu’il vient de faire paraître Les Nuits gainsbouriennes, album distribué gratuitement sur le Net, nul doute que le collectif fait tout pour solliciter un contact dynamique avec ses inconditionnels.

De retour d’une tournée en France, les musiciens ont eu envie de s’offrir une parenthèse d’écriture et de produire un disque composé de reprises qui colle bien à l’attitude de chacun d’entre eux. "Et on renégocie les remix des Nuits gainsbouriennes ces jours-ci, ajoute Lou. Il y a une demande radio et notre éditeur regarde ça. C’est un disque gratuit, les gens le téléchargent en grand nombre. La raison d’être de cet album nous a donné beaucoup de liberté dans l’interprétation. On a fait ce qu’on avait envie de faire sans vouloir sonner à tout prix comme CEA. Après deux disques [C’est ça le fun!? et Coin Strasbourg], on s’est dit que c’était le temps de faire des reprises et de s’amuser."

Initiales B.B. (Bob Bouchard), qui revisite le classique de Gainsbourg, Laisse tomber les filles de France Gall et Africaine à QC (la chanson Englishman in New York de Sting adaptée par Marième en français) s’ajoutent à de nouvelles versions des pièces Coin Strasbourg et Mes idoles. "Depuis le départ de Lwazo [qui se consacre à son groupe Colombier depuis] et l’arrivée de Karim [Ouellet à la guitare] dans le groupe, on est moins de M.C. sur scène et je crois que nos personnalités sont encore mieux représentées dans ce contexte. C’est évident sur les remix de Mes idoles et Coin Strasbourg", lance Lou. "Chacun son créneau", renchérit Bob. "Lou, c’est l’animateur de foule parfait, il aime ça et on lui donne la place. Bobby, c’est le rappeur. Et moi, j’aime chanter, mais je n’aime pas parler sur scène!" conclut Marième en riant.

FAIRE SA PLACE

Le collectif sera occupé cet été. En plus de souligner cette nouvelle production en spectacle – auquel s’ajoutera une projection de cinq vidéoclips réalisés lors de sa dernière tournée en France par Scoul, le vidéaste du groupe -, Woodstock en Beauce est à l’agenda et le Festivent l’attend pour faire la première partie du chanteur reggae Shaggy au mois d’août. CEA participera même au Mur du son: l’expérience Québec, une création multidisciplinaire d’Olivier Dufour, les 3 et 4 juillet.

Les choses se déroulent plutôt bien, mais quelques jours après l’annonce de la programmation complète du Festival d’été de Québec, Lou se questionne encore sur la représentation des groupes "émergents" de la capitale dans l’événement culturel numéro un de l’été. "Tu peux l’écrire, il y a juste dans la ville de Québec qu’on n’a jamais eu accès à une grosse scène, indique-t-il. On a fait les FrancoFolies de Montréal trois fois, et on revient d’un séjour en France où on se présentait parfois devant 1000 personnes. Des groupes de Québec qui font leur job, il y en a plusieurs: I.No, Who Are You et Mute, par exemple. On essaie tous, à notre façon, d’être des artisans de notre ville. Est-ce possible d’être considérés?"

Avec sa reprise de Beau comme on s’aime de Yann Perreau, qu’on retrouve aussi sur Les Nuits gainsbouriennes, CEA a fait un choix artistique judicieux. Là n’était pas son intention mais, à titre de prix de consolation, le collectif se retrouvera sur une scène du FEQ avec le chanteur, le 11 juillet, pour interpréter cette chanson avec lui. "Il nous a invités, on ne va pas dire non, confirme Lou. Et c’est une grande chanson! À mon avis, Yann devrait monter assez vite. D’artiste émergent à grand auteur-compositeur-interprète du Québec, un album ou deux et ça y sera. Je l’espère!"

On fait sa propre chance: les membres de CEA semblent avoir compris ce principe. "C’est Bob qui a inspiré la philosophie qui règne au sein de CEA, avoue Lou. Et c’est grâce à Walt Disney! La création, l’autocritique et la mise en marché, trois façons uniques de voir les choses. Quand tu es un groupe indépendant, c’est essentiel de t’impliquer à fond dans ces trois sphères. La musique d’expression française, c’est un petit marché. Nous sommes au Québec. Si tu n’as pas d’initiative, tu es condamné au petit pub du coin le restant de tes jours, et puis tu meurs. Nous autres, on veut vivre de quoi!"

Les Nuits gainsbouriennes
CEA
(Indépendant/Abuzive Musik)

À écouter si vous aimez /
Movèzerbe, Accrophone et Morcheeba