Les Tireux d’roches : Mémoire parallèle

Les Tireux d’roches s’étaient littéralement coupés du monde pour donner naissance à leur deuxième album, J’joue mon air. Reclus dans un chalet en montagne, ils avaient alors vécu des moments artistiques uniques. Avec Cé qu’essé, quatrième effort dont le titre se révèle un clin d’oeil à une tournée effectuée en territoire acadien en 2008, ils ont eu envie de renouveler l’expérience.

S’ils ont tiré les bases du projet au studio de Claude Champagne à la fin de l’été dernier, ils lui ont mis la touche finale aux Berges du lac Castor, "cloîtrés" dans leurs nouveaux lieux de création. "En studio, tu rentres à la shop un peu plus, soutient Denis Massé, chanteur et accordéoniste de la formation trad de la région. Tu arrives à 9h, tu sors à 17h. Tu rentres chez vous le soir. On avait aimé l’esprit de famille du deuxième album, que l’on avait fait de cette façon-là. Je pense que c’est la meilleure formule."

Enveloppé d’une douce chaleur – une conséquence de la présence marquée de la clarinette? -, ce disque réalisé par Jeannot Bournival (Fred Pellerin, Nicolas Pellerin) offre surtout des compositions originales. Des chansons qui trouvent parfois leur essence dans de vieux souvenirs. La pièce Ti-Fo Bouteille, un coloré personnage du Cap-de-la-Madeleine qui a marqué l’enfance de Denis Massé et Dominique Lemieux (voix, guitare, banjo), raconte par exemple avec humour la disparition des quêteux. "Les quêteux, c’étaient des voyageurs avant. Ils arrêtaient de maison en maison. Puis est arrivé le bien-être social. Les quêteux sont tous restés dans les villes avec une adresse pour encaisser leurs chèques. Pis après ça, on les voyait beaucoup ramasser des bouteilles", explique Massé. Hommage à la Bol…Duc s’inspire aussi d’un fait vécu, une soirée plus que mémorable. "On aurait pu appeler la chanson La Gastro, rigole-t-il. C’est l’histoire d’un spectacle qu’on a fait où j’étais en pleine crise de gastro-entérite!"

À ces véritables contes en musique se greffent des pièces à la facture un peu plus traditionnelle comme Quarts de clous, Les Saisons, Dites-moi, madame, un texte offert par Jean Laprise, ou Ti-Flacon. À propos de cette dernière, le leader du groupe explique: "Sur disque, on met tout le temps une pièce pour que les gens puissent se repérer un peu. Une chanson trad qu’ils connaissent un peu plus, mais passée dans la sauce Tireux."

DES RÊVES…

Il y a quelques années, la firme de communications Gignac avait invité Les Tireux d’roches à réfléchir sur leur avenir. Les musiciens avaient alors établi qu’ils désiraient voyager et marcher en dehors des sentiers de la musique commerciale. "Si on regarde notre vision à long terme d’il y a six ou sept ans, on est pas mal dedans", confesse Massé. Depuis, le groupe a même atteint d’autres sommets. "On a fait des main stages avec 40 000 personnes où ça levait au fond!" s’exclame le guitariste. "On a joué sur l’île française de Tatihou. Il y a là une salle de 2000 places. Il n’y a personne sur l’île avant 17h parce que la marée est haute. Mais à 18h, la marée est rendue basse et le monde traverse de la côte à pied, avec ses bottes dans les mains. La salle se remplit. On donne le show: ça lève au bout! Dix minutes après la fin, les spectateurs s’en vont parce que la marée remonte. Et te revoilà tout seul sur l’île. Ces affaires-là, je ne les avais même pas rêvées."

Maintenant, quels sont les prochains objectifs de la formation? "Ça serait le fun que Les Tireux gagnent un peu en popularité au Québec pour pouvoir jouer dans le réseau des salles institutionnelles", lance Massé. Lemieux complète: "La seule raison pour laquelle j’aimerais qu’on soit plus populaires, c’est pour qu’on puisse aller au bout de nos idées, avoir le budget. C’est toujours notre authenticité, notre énergie qui nous fait vivre, mais si on était capables d’avoir un éclairagiste ou un metteur en scène, il n’y en aurait pas de limite!"

Les Tireux d’roches
Cé qu’essé
(CFM Musik/Outside)

À écouter si vous aimez /
Polémil Bazar, Mes Aïeux, Fred Pellerin