Vulgaires Machins: Guillaume Beauregard et Marie-Eve Roy : Liberté conditionnelle
Les Vulgaires Machins, formation vedette du Petite-Nation Rockfest de Montebello, montent le volume une fois de plus pour réveiller la masse devant les injustices du néolibéralisme. Rencontre avec les guitaristes et chanteurs Guillaume Beauregard et Marie-Eve Roy, des rockeurs en liberté conditionnelle.
Voir: Après avoir vendu 15 000 exemplaires d’Aimer le mal (2002), vous aviez eu beaucoup de difficulté à produire Compter les corps (2006), comme si vous étiez obsédés par l’idée de devoir faire mieux. Compter les corps s’est finalement vendu à 25 000 exemplaires, avez-vous eu besoin d’un psy pour enregistrer Requiem pour les sourds?
Guillaume Beauregard: "Ça a été beaucoup plus facile, quoique j’aie toujours de la difficulté à écrire des textes. J’ai décidé d’écouter mon coeur, de lâcher le côté cérébral pour aller vers le viscéral. J’ai moins cherché à écrire des textes en essayant de les contrôler pour qu’ils soient perçus d’une certaine façon."
Marie-Eve Roy: "On a accepté de lâcher prise. On s’est dit: "Fuck, on fait des tounes et on verra bien." Au lieu de chercher un concept, on s’est juste laissé aller. Le résultat est plus spontané."
Guillaume: "Il est même arrivé qu’on se pointe au local en se donnant une heure pour composer une toune. Ça a donné Presque complet qui ouvre le disque. À un certain point, on en est venu à oublier ce qu’était Vulgaires Machins, ou ce que ça devrait être. Le band n’existait plus, notre background n’existait plus, nos fans et leur éventuelle réaction non plus."
Le titre de votre dernier disque fait référence à l’immobilisme de la population face aux enjeux mondiaux. Qu’est-ce que ça va prendre pour assister à un vrai soulèvement populaire face au système néolibéral?
Guillaume: "C’est ça qui me frustre le plus. Tout est là pour réveiller les gens. Tous les exemples de dérapage sont là pour mener un vrai débat de fond que les médias nous empêchent de mener. Tout y est formaté. La pub est omniprésente et on met de l’avant toutes sortes d’histoires peu importantes pour ne pas s’interroger sur les vrais enjeux. Laraque est congédié! Céline retourne à Vegas! Bob Gainey a démissionné!"
"Nous sommes des parasites
Nous sommes des putes
Nous ne sommes qu’un prétexte
Pour vous faire regarder de la pub"
– Extrait de Parasites
Dans la pièce Parasites, vous ramenez le rôle du musicien à un simple prétexte pour faire regarder de la publicité à la population. Plutôt ironique pour un groupe comme les Vulgaires Machins. Votre "nous" est-il inclusif?
Guillaume: "Mets-en. Ma réflexion se base sur les Vulgaires Machins. Pas longtemps après la sortie de Compter les corps, on a passé un été à faire le tour des festivals extérieurs. C’est là que j’ai réellement pris conscience de l’omniprésence de la pub dans ces événements."
Marie-Eve: "Ils mettent même des pubs audio entre les groupes, maintenant."
Guillaume: "Un peu plus et ce sont les commanditaires qui se créent un événement sur lequel ils ont un droit de regard absolu. L’artiste, tu fermes ta gueule et tu prends ton cachet pendant qu’on expose tes fans à notre propagande. C’est devenu impossible de ne pas jouer devant une grosse pub de bière qui tapisse l’arrière-scène. Chaque été, la pub prend plus de place. Mais si on veut faire des shows l’été, on n’a pas le choix que d’embarquer dans la game. On veut que le monde nous entende, donc on le fait main dans la main avec les commanditaires. Au bout de la ligne, nous sommes des putes. À défaut d’être conséquents avec notre philosophie, ben on l’admet. On a le mérite de ne pas être hypocrites."
Qu’est-ce qu’un groupe punk peut faire lorsqu’il est ainsi forcé de rentrer dans le rang?
Marie-Eve: "On se chicane avec un paquet de festivals. À Alma, Guillaume est allé mettre sa guitare devant son ampli crinqué à 10 pour produire un feedback et enterrer les annonces des commanditaires avant notre show."
Guillaume: "La subversion est la seule arme qu’il nous reste. J’ai déjà joué devant une grosse pub de Molson avec mon t-shirt McAuslan. Ils ne peuvent pas encore me dire quoi chanter ou comment m’habiller. Mais on n’est pas cons, on connaît l’utilité des commanditaires."
Quels ont été les pires questionnements éthiques en 15 ans de carrière?
Marie-Eve: "Vendre une chanson pour une publicité, mais ça n’arrivera jamais. On serait pas capables de le justifier."
Guillaume: "Ça nous est arrivé un jour de partir pour un spectacle et de se rendre compte en chemin qu’on jouait dans un party organisé pour le gagnant d’un concours de pub de bière. On l’avait échappée, celle-là. On avait visiblement manqué de vigilance. J’ai alors appelé le Refuge des Jeunes pour leur annoncer qu’on leur remettrait la totalité du cachet reçu pour ce show corpo de marde."
Petite-Nation Rockfest 2010: Coup de gueule
Festival qui gagne en ampleur année après année, le Petite-Nation Rockfest devrait connaître une autre édition record. Au fil des étés, l’organisation a prouvé maintes fois que le rock bétonné avait sa place en Outaouais. Comptant sur plus d’une soixantaine de formations et d’artistes qui fouleront les deux scènes de la marina de Montebello, la programmation surprend non seulement par sa variété, mais par les coups de maître qu’elle a su assurer. On pense entre autres à la formation iconique punk Misfits, au groupe post-hardcore ontarien Alexisonfire et à la troupe punk gauchiste Anti-Flag. Les Malajube, Voivod, Silverstein, GrimSkunk, Die Mannequin et Tagada Jones ont, quant à eux, tout autant l’intention de décoiffer les "matantes à permanente" lors de leurs tours de scène respectifs. Chaises de parterre à proscrire. Les 18 et 19 juin, à la marina de Montebello www.pnrockfest.com