Fred Fortin : Plastrer le décor
Fort d’un album (Plastrer la lune) vivement apprécié par le public, Fred Fortin en remet en venant présenter deux concerts dans la région.
Joint au téléphone, Fred Fortin est fidèle à son image. On devine beaucoup d’humilité chez le chanteur d’un calme absolu qui, dès la sortie de son premier album, a créé une onde de choc majeure dans le paysage musical québécois. Dans la province, il y a eu l’avant et l’après-Fred Fortin. Désormais, quand un album de rock a une sonorité le moindrement musclée ou si les paroles y sont récitées dans un joual assumé, les références à Fred Fortin sont instantanées. C’est à croire qu’il y a maintenant une touche réservée au nom du chanteur sur les claviers d’ordinateur des journalistes québécois.
Mais Fortin ne semble pas trop y porter attention: "Honnêtement, j’ai jamais trop remarqué ça. Je lis pas beaucoup les critiques ou les articles musicaux, donc je vois pas vraiment ces références. C’est sûr que j’en entends parler et que des fois, des gens me disent des choses comme quoi je les ai influencés, mais quand ça arrive, je trouve ça plus flatteur qu’autre chose. Ça s’arrête pas mal là."
Après avoir réalisé l’album Trois Petits Tours du chanteur Thomas Fersen, Fred Fortin a entamé une tournée avec le chanteur français et voilà qu’il peut maintenant se consacrer à nouveau à ses propres chansons. Une fois de plus, c’est l’humilité qui dicte ses propos à ce sujet: "À la base, je me considère pas comme un réalisateur. Les fois où je l’ai fait (Arseniq33, Fersen), c’était un peu par nécessité. Avec Thomas, ça a juste ben fitté. Dès notre première rencontre, il y avait une confiance et je me sentais à l’aise avec ça. Après ça, de partir en tournée avec une autre gang, c’est certain que ça change le mal de place et que ça te fait t’ennuyer de ton band."
Ironiquement, le passage de Fred Fortin dans la région se fera en tant qu’homme-orchestre. Le chanteur explique cela par un agencement pas toujours évident d’horaires entre musiciens.
Comme Fortin reviendra dans sa région d’origine, nous nous sommes permis de lui demander s’il était parfois nostalgique des années à oeuvrer ici en tant que musicien. Sa réponse est sans équivoque: "Ah… ça c’est une question qu’il faut surtout pas me poser! Je te cacherai pas que je rêve souvent de revenir m’installer au Lac et de retrouver ce genre d’univers-là, mais quand tu es rendu installé à Montréal, c’est de moins en moins évident. Y’a les enfants, y’a la blonde pis un paquet d’autres affaires…"
On est en droit de se demander si c’est aussi parce qu’il est pratiquement impossible de réussir en tant que musicien loin des grands centres: "Au début, je l’ai fait un bon bout de temps les sept ou huit premières années, je restais au Lac et je montais à Montréal quand j’en avais besoin. Au Lac, si ton projet génère assez de revenus, c’est possible de t’en sortir parce que tout coûte moins cher. Par exemple, mon local et ma maison étaient à la même place parce que c’était mon chalet. À Montréal, c’est impossible de faire ça et en plus, juste ton local te coûte plus cher qu’un appartement au Lac. En fait, si je suis parti à Montréal, c’était vraiment par hasard."
Au dire du chanteur, peu importe où l’on est géographiquement, le pari de gagner sa vie en tant que musicien est plutôt périlleux. On est à des milles des contes de fées: "C’est un métier qui est très précaire. Tu peux jamais t’asseoir et te dire que ça va toujours continuer de même. Il faut que tu te réinventes à chaque fois et y’a vraiment pas de chemins faciles. Quand je fais un album, je le fais toujours un peu en réaction à celui d’avant, question d’offrir du nouveau au public. Des fois, ça ne fait pas l’unanimité, comme pour Le Plancher des vaches ou Gros Méné, mais ça fait partie de la game."
Dans l’un de ses premiers enregistrements qui n’avait pas été distribué à grande échelle, Fortin flirtait avec des ambiances jazzy, tandis que dans son premier album, c’était à un rock aux accents funky qu’il s’était attaqué. Au fil des albums, comme le rocker s’est fréquemment amusé à voguer à travers les styles, y aura-t-il un jour une limite qui sera atteinte? Fortin conclut ainsi: "Quand j’ai commencé, c’était les débuts du numérique. On travaillait sur des DAT et c’était ça la technologie. Là, après plusieurs années, je me suis habitué à travailler avec l’enregistrement par ordinateur. Maintenant, il reste juste à s’inspirer des moyens technologiques. On verra bien."
Le 17 juin
Au Festival des musiques actuelles d’Alma
À écouter si vous aimez /
Plume Latraverse, Mononc’ Serge, Sunny Duval