Les 20 ans du hip-hop québécois / T-Mo : Le rap à qui?

Octobre 2002, soir de gala pour l’industrie du disque et du spectacle québécois, dont le gratin se trouve réuni au chic Théâtre Saint-Denis. Quelques minutes après le début de la cérémonie diffusée en direct à la télé, une quinzaine de rappeurs originaires de Québec débarquent, devant la salle, d’un immense Hummer limousine (mettons cet artifice tape-à-l’oeil sur le compte de la parure inhérente à la culture hip-hop, et puis avouons-le, avant un coup d’éclat, sortir d’un Hummer limousine donne plus de courage que de sortir d’un bus de la ligne 30 Saint-Denis).

Le clan du 83 marche d’un pas décidé, passe la sécurité, puis grimpe sur scène à la surprise générale. Bon joueur, et sans doute heureux qu’il se passe enfin quelque chose dans une cérémonie généralement terne, l’animateur du Gala de l’ADISQ, Guy A. Lepage, cède le micro à 2 Faces qui monte au front: "Le hip-hop est sous-représenté. Les radios refusent de nous faire jouer, et l’ADISQ devrait soumettre la catégorie Album hip-hop de l’année à un jury spécialisé, à un jury qui s’y connaît vraiment."

Près de huit ans plus tard, T-Mo, instigateur du spectacle Les 20 ans du hip-hop québécois, membre de Taktika et anciennement du 83, se souvient de l’événement comme si c’était hier. Même s’il n’était pas le plus apprécié de ses pairs, le collectif venait de rallier tout le mouvement derrière lui. "Il y avait beaucoup de rapfight. On était des petits culs arrogants de Québec qui ne plaisaient pas à tout le monde, mais au lendemain du gala, même Sans Pression nous appelait pour nous dire bravo."

Voilà l’une des plus belles avancées du rap d’ici. En 20 ans, il y a eu le succès populaire de Dubmatique, l’identité bien québécoise de Sans Pression, l’émergence d’une nouvelle vague au milieu des années 2000 (Accrophone, L’Assemblée, Manu Militari), mais surtout la naissance d’un sentiment d’unité que l’on croyait compromis par l’éternel "ego trip" du rappeur. "C’est pas cette soirée de 2002 qui a tout changé, unir la scène est un travail de longue haleine auquel les concerts Rassemblements hip-hop d’Anodajay ont aussi contribué, mais je pense que l’idée d’une fraternité dans le mouvement a germé lors de cette soirée. Au fond, c’est juste normal de voir tous les plus grands artistes rap québécois se retrouver sur une même scène."

Du spectacle, ce qui surprend davantage, c’est cette notion voulant que l’on célèbre les 20 ans du rap québécois en 2010. La naissance du mouvement n’aurait pas de lien avec le fameux Rap à Billy, chanson de Lucien Francoeur parue en 1983? "Sans rien vouloir enlever à Lucien Francoeur, son incursion dans le genre était une courte parenthèse dans une carrière pop. Pour moi, tout a débuté avec le vidéoclip du groupe MRF pour la pièce MRF est arrivé (disponible sur YouTube). C’était la première fois qu’un artiste d’ici s’affichait tout en respectant les quatre éléments de la culture hip-hop (le rap, les DJ, le breakdance, les graffitis). La philosophie créatrice du chanteur de MRF, MonOncle Rock, était 100 % rap."

Et quel est le secret pour garder la scène forte jusqu’en 2030? "Un seul mot: professionnalisme. Les artistes doivent travailler de manière professionnelle avec des professionnels. On a gagné beaucoup en maturité, il faut poursuivre en ce sens pour être pris au sérieux."

ooo

20 ans, 20 chansons, 20 artistes sur scène

MonOncle Rock
MRF est arrivé

Shoddy
Ta yeule (KCLMNOP)

Dubmatique
La Force de comprendre

Rainmen
Pas d’chilling

Sans Pression & Yvon Krevé
L’Étage souterrain

Muzion
La Vie ti neg

83
83

Yvon Krevé
Dans nos rues

SP
Derrière mon sourire

Loco Locass
Libérez-nous des libéraux

Accrophone
Coin de paradis

Taktika + Manu
Un été chez nous

L’Assemblée & Dupuis
Turn Your Head Around

Sir Pathetik
Pour mon pays

Anodajay & Raôul Duguay
Le Beat à Ti-Bi

Treizième Étage & Radical
Le Coeur de Montréal

Ale Dee
Mes dues

Omnikrom
Été Hit

Samian & Loco Locass
La Paix des braves

Manu Militari
Le Premier