Tricia Foster et Louis-Philippe Robillard : Un vent frais
Tricia Foster et Louis-Philippe Robillard poursuivent le travail entamé par les générations précédentes d’auteurs-compositeurs franco-ontariens: mettre sur la map leur musique.
Fougue. Le premier mot qui vient en tête pour décrire Tricia Foster. Sacrée découverte de l’année au Gala des prix Trille Or en 2005, puis auteure-compositrice-interprète par excellence quatre ans plus tard, la native de Cochrane, en Ontario, a su faire sa marque par elle-même, sans "grosse machine", avec la parution de ses deux premiers gravés, 412 et Commerciale (parus en 2004 et 2008). La poignée de main ferme, la bise tout aussi déterminée, Tricia s’assied avec empressement à une table du Raw Sugar Café, un charmant resto multifonction situé en plein coeur du chinatown ottavien.
Contrairement à sa collègue à l’énergie quasi féline, Louis-Philippe Robillard est calme, réfléchi et semble la plupart du temps à des lieues du moment présent. Par son esprit bohème, sa plume instinctive et ses influences diverses, Robillard a charmé avec Le Café des oiseaux, son premier album paru l’hiver dernier. Une pinte de Labatt 50 à la main, le résident d’Ottawa me salue de la tête pour ensuite prendre place devant Tricia.
Voir: Le spectacle auquel vous allez participer dans le cadre du Festival franco-ontarien s’appelle La Suite des choses, avec Andrea Lindsay, Mighty Popo et Cindy Doire… Ça veut dire quoi, pour vous, "la suite des choses"?
Tricia Foster: "La suite des choses, c’est la prochaine étape de la francophonie ontarienne. On pourrait dire que c’est un show de gars et de filles qui sont tous à différents points dans leur carrière, sans toutefois être réellement établis. Cindy, Andrea et moi sommes à notre deuxième album; Louis-Philippe vient de lancer son premier. Mighty, lui, a toujours fait ses trucs en parallèle depuis un certain temps déjà. C’est un trip de gang, je pense. C’est drôle, parce que je me rappelle avoir rencontré Louis-Philippe pour la première fois à l’école secondaire De La Salle alors que je donnais des ateliers d’écriture musicale. Je me souviens l’avoir tout de suite aimé."
Louis-Philippe Robillard: "Ah oui?"
Tricia: "Il était au secondaire, mais il n’écrivait pas comme un jeune de 16 ans. Ses textes étaient forts, revendicateurs, engagés, chose qui m’a toujours interpellée chez les auteurs-compositeurs. Je me souviens d’une chanson qui parlait de gens qui marchaient sur un pont… Tu la fais toujours, cette toune-là?"
Louis-Philippe: "Non, ça fait longtemps…"
Tricia: "Tu devrais, c’était une bonne chanson."
Voir: Avec quelle image de la musique franco-ontarienne avez-vous grandi?
Louis-Philippe: "Pour ma part, je pense pas avoir grandi avec la musique franco-ontarienne. Mon premier réflexe, quand j’ai commencé à écrire, ça a été celui d’écrire en français. J’ai grandi avec la musique francophone, pas nécessairement franco-ontarienne."
Tricia: "Moi non plus. Et c’est tout à fait par hasard que je me suis retrouvée à faire de la musique en français, le réflexe étant d’en faire en anglais. De fil en aiguille, on m’a demandé de chanter en français; j’ai reçu une bourse du Conseil des Arts, enregistré un premier album, eu la chance de collaborer avec l’APCM [Association des professionnels de la chanson et de la musique]… Mettons que je découvre encore notre passé musical franco-ontarien. En grandissant, j’étais beaucoup plus du genre Cindy Lauper!"
Voir: En faisant votre chemin dans l’industrie, pensez-vous être en train de baliser le chemin pour les générations futures?
Tricia: "Je pense que depuis le début, y’a eu des gens qui ont pavé le chemin pour les autres. C’est pas nécessairement nous qui allons être déterminants, mais il est clair que présentement, y’a comme un vent frais qui souffle. Dans le passé, l’étiquette de folklorique nous a collé un peu trop à la peau. Y’a de moins en moins un son franco-ontarien, encore moins dans notre accent. Oui, on retrouve des similarities, mais l’Ontario est si vaste que chaque artiste définit un peu ce qu’est la musique dite franco-ontarienne."
Louis-Philippe: "Je me dis que, à l’avenir, d’où tu viens va avoir de moins en moins d’importance. Avec les MySpace, Facebook et les moyens de diffusion qui augmentent le rayonnement international, j’ai l’impression que dans quelques années, plus personne va s’intéresser à l’origine de la musique, d’où elle vient. En ce moment, tout est en train de se mélanger."
Tricia: "J’ai été la "matante" du concours La Brunante cette année. Même si on est encore de la relève, y’aura toujours du monde derrière nous, la relève de la relève. C’est tripant de voir à quel point le futur de la musique franco va dans tous les sens, je pense seulement à la lauréate du concours, Leïla, qui a un son super jazz, un peu à la Diana Krall. Ça laisse entrevoir de belles choses pour notre culture. J’ai été autant impressionnée par elle que je l’ai été par toi, Louis-Philippe."
Louis-Philippe: "Oui? Elle est cute? Tu veux pas me la présenter? [rires]"
Tricia: "Je pourrai lui dire que tu as des belles fesses…"