Gil Scott-Heron : Le faux nouveau
Intitulé avec ironie I Am New Here, le nouveau disque de Gil Scott-Heron, 61 ans, ramène à la vie la carrière du chanteur soul, maintenant au coeur de la hype.
En février dernier, l’histoire du chanteur soul Gil Scott-Heron a fait fantasmer les journalistes de la presse spécialisée mondiale. Vous voyez ce petit filet de bave? Imaginez le topo: en produisant l’album I Am New Here, Richard Russell, le très respecté fondateur de la maison de disques XL qui a sous contrat les Radiohead, White Stripes, M.I.A., Vampire Weekend et Devendra Banhart, ressuscitait la carrière de Gil Scott-Heron, héros obscur de la contre-culture américaine, considéré par plusieurs comme le père du mouvement rap pour ses albums spoken word engagés parus dès le début des années 70.
Comme si ce n’était pas assez pour appâter les critiques, malgré ses arrangements électroniques, la facture dépouillée de l’album s’inscrit dans la lignée des louangés American Recordings produits par le réalisateur Rick Rubin avec Johnny Cash. Dans un enrobage minimaliste et émouvant, Scott-Heron y chante quelques vieilles compositions, de nouveaux poèmes sur des musiques de Russell et des reprises bien choisies: Me and the Devil de Robert Johnson, I’ll Take Care of You de Brook Benton et I’m New Here de Smog, dont le texte de Bill Callahan stipule que "No matter how far wrong you’ve gone, You can always turn around".
De prime abord, cette phrase semble parfaitement adaptée à la vie de Gil pour qui I Am New Here est le premier disque en 16 ans, une décennie et demie au cours de laquelle il a erré dans un univers de dope, de désintox et de pénitenciers. "Tu veux la vraie histoire? demande-t-il au bout du fil. On m’a arrêté en 2001 pour possession de cocaïne alors que j’avais pour environ 20 dollars de drogue dans les poches. On s’est mis à me traiter comme si j’étais Pablo Escobar. De nombreuses rumeurs ont ensuite circulé sur Internet. C’est d’ailleurs sur le Web que j’ai appris que j’étais séropositif… N’importe quoi. Si tu veux vraiment connaître une personne, va lui parler, ne te fie pas à ce que les autres racontent à son sujet", philosophe le poète et auteur qui prévoit lancer un livre sur Stevie Wonder au cours de la prochaine année.
Au final, Scott-Heron se défend bien d’avoir produit un disque rédempteur visant à remettre les pendules à l’heure. "Non, il s’agit simplement de musique et de poésie, comme tous les autres albums que j’ai lancés par le passé. Je ne cherche pas à m’approprier les chansons des autres pour raconter mon histoire. Dans Me and the Devil Blues, Robert Johnson raconte qu’il a rencontré le diable… Peu importe la métaphore qu’on peut y voir, je n’ai jamais rencontré le diable. Oui, j’ai vécu des trucs pas terribles après la mort de ma mère en 1999. J’étais un homme seul de 50 ans qui devait apprendre à réorganiser sa vie. Mais je ne considère pas avoir vécu l’enfer. Au fond, il s’agit simplement d’un nouveau disque qui, je l’espère, permettra à une génération plus jeune de me découvrir."
Avec le succès critique que remporte I Am New Here, le gaillard peut dire: mission accomplie.
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