Wallace Roney : Trompette de la renommée
Fort d’un nouvel album live, Wallace Roney revient en tant que lui-même au Festival International de Jazz de Montréal. Enfin.
Ex-membre des Jazz Messengers d’Art Blakey, avec qui on l’a vu au Festival au début des années 80, le trompettiste virtuose Wallace Roney a eu la chance rare de côtoyer très jeune ses plus illustres aînés, qui avaient décelé en lui de la graine de champion. Suprême consécration: son idole Miles Davis – qui l’avait nommé son dauphin et qui, à sa mort, lui léguerait quelques trompettes, dont celles qu’on peut voir dans l’exposition We Want Miles! au Musée des beaux-arts – avait exigé sa présence à ses côtés pour un émouvant pas de deux entre le maître et le pupille à Montreux en 1991. Cinquantenaire depuis la fin mai, Roney assume depuis plusieurs années le rôle de mentor des jeunes musiciens dont il s’entoure. "Comment faire autrement, après avoir tant appris des grands maîtres? Quand tu as joué avec Miles, tu dois ensuite te montrer à la hauteur de ce qu’il a vu en toi."
De retour au FIJM dans la foulée de la sortie de son excellent CD If Only for One Night, Roney se réjouit de n’être cette fois pas invité pour un énième concert hommage. "Les programmateurs de la plupart des festivals manquent d’imagination et cette mode est en train d’empoisonner la scène." Quand il faut jouer encore et encore Kind of Blue puis Four Generations of Miles puis Bitches Brew Revisited, tu finis par avoir envie de dire: hé, je suis déjà en train de revisiter Bitches Brew. Si tu écoutes attentivement mon groupe, tu en entendras une version moderne. Et si tu écoutes encore plus attentivement, tu entendras un brin de Kind of Blue, tu entendras tout ce que tu espères d’un hommage à la vision musicale de Miles. Mais tu y entendras aussi, et surtout, mon point de vue sur la tradition, ma contribution à son évolution."
De tous les hommages auxquels Roney a pris part, les seuls qui, avec le recul, trouvent grâce à ses yeux sont la tournée avec Jimmy Cobb l’an dernier et, surtout, l’édition 92-93 du groupe V.S.O.P. réunissant les ex-membres du deuxième quintette de Miles: Herbie Hancock, Wayne Shorter, Ron Carter et le regretté Tony Williams. "Ce n’était pas un simple groupe hommage. Quand ces gars-là se réunissaient, c’était de la pure magie!" Une certaine amertume colore toutefois ce souvenir: applaudi par les publics européens et asiatiques lors d’ambitieuses tournées et couronné par un Grammy, le supergroupe a peu joué en Amérique du Nord. "Quatre ou cinq villes aux États-Unis et au Canada, c’est tout! À un moment donné, on avait même convenu de diminuer notre cachet parce qu’on voulait tourner davantage; malgré cela, personne ne nous engageait, tu imagines! J’ai failli le prendre personnel, ironise le trompettiste. Je me disais: ces programmateurs doivent vraiment me détester pour se priver des retrouvailles de géants de la stature de Herbie, Wayne, Ron et Tony!"
Implacable, Roney estime les grands bonzes de l’industrie responsables du soi-disant déclin de la musique. "Jusqu’aux années 80, malgré les problèmes de l’industrie, les artistes gardaient un certain contrôle sur la musique. Ce n’est pas une question d’argent, tu sais, mais une question d’occasions de jouer. Il faut qu’on puisse se faire entendre pour que cet art puisse évoluer."
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Miles Davis, Herbie Hancock, Woody Shaw