Andrew Bird : La bête et l'archet
Musique

Andrew Bird : La bête et l’archet

Andrew Bird se démarque par un style multiple qui réinvente le folk. Un parolier bucolique, toujours fixé dans son Illinois natal, et qui demeure un compositeur téméraire.

Cela fait maintenant un an qu’Andrew Bird réinvente sur scène le répertoire de son cinquième et dernier disque, Noble Beast. Réinventer est le mot juste car le chanteur, guitariste, violoniste et siffleur (au sens littéral du terme) semble déconstruire son oeuvre comme bon lui semble. Bird est un folksinger, mais comment faire abstraction de ses talents d’arrangeur? À preuve, ce spectacle qu’il a donné au mythique Carnegie Hall à New York cette année. Devant une salle comble, l’interprète a décidé de se faire plaisir.

"Lorsque tu te retrouves au Carnegie Hall, dans la loge où trône un piano Steinway exceptionnel, tu vois toutes ces photos accrochées au mur: de grands interprètes et des chefs d’orchestre qui ont fait l’âge d’or de la musique classique. J’ai fait un retour dans le temps et je me suis vu comme un violoniste. Mais surtout, tu constates où tu es rendu!" résume-t-il en riant.

"Ces années passées pendant lesquelles j’ai étudié le violon me sont revenues en tête et j’ai décidé de commencer le spectacle avec un répertoire classique, enchaîne-t-il. Seul avec mon instrument, j’ai interprété de courtes pièces, de différents compositeurs, que j’avais arrangées à ma façon. Il fallait rendre justice à cette acoustique. C’était spécial comme concert. Dans la même semaine, on se retrouvait au Radio City Music Hall. Là, c’était tout autre chose…"

Lorsqu’on voit Andrew Bird sur scène, on pense à Owen Pallett (Final Fantasy). Non pas que les deux artistes empruntent la même voie musicale. L’un s’éclate dans l’impressionnisme et le minimalisme et Bird, lui, baigne dans le folk par-dessus la tête. Néanmoins, on est loin du chanteur guitare-voix qui se limite au plus simple appareil. Tout est finesse, et le texte se retrouve au centre d’un fait d’expression rayonnant. La pièce Souverian en est un bon exemple, alors que nous questionnons l’artiste sur la signification de ce mot.

"Je l’ai inventé. Il revenait constamment à mon esprit. Je ne peux même pas te dire pourquoi, et avec le temps il trouve une raison d’être. Dans cette chanson, ce mot me représente, c’est moi. La chanson s’est construite autour de ça. Avec des mots semblables, j’ai parfois l’impression qu’on est en mesure d’exprimer l’essentiel, c’est intrinsèque. Leurs définitions se précisent avec la musique. C’est abstrait, ça je peux l’admettre."

Cette abstraction nous dirige parfois dans un univers musical parsemé de contrastes, avec la pièce Effigy, entre autres. Une mesure rythmique en 6/8, au violon, introduit cette chanson en 3/2. Tout pour nous confondre, mais c’est là une liberté dont ne pourrait se passer le "compositeur" Andrew Bird. "On entend ce genre de rythmique dans la musique africaine. Dans cette chanson, j’ai même ajouté une mélodie, en pizzicato, au violon. Un caprice de "compositeur", j’imagine. Ça m’arrive quelques fois de vouloir monter une structure musicale stricte, pour ensuite y ajouter une mélodie indépendante. Moi, j’appelle ça du forward-motion!"

À écouter si vous aimez /
Bon Iver, Sufjan Stevens, Damien Rice