Sanseverino : L’anarchie, c’est la justice

Les visites de Stéphane Sanseverino sont rares au Québec et l’artiste français d’origine napolitaine est bien conscient qu’il doit tout recommencer à zéro. L’exercice est pourtant loin d’être dérisoire à ses yeux. Il envisage tout simplement cette tournée avec la modestie d’un nomade. Sanseverino n’a pas d’appétit pour les grandes conquêtes internationales. Les territoires et les frontières, nous pouvons le constater assez rapidement, ça l’emmerde.

Cet auteur fort en gueule, punk passionné de musique manouche et de country, a du flair lorsqu’il s’agit d’aborder des sujets chauds pour animer ses chansons. Des sujets d’actualité qu’il déboulonne avec esprit. Son dernier disque, Les Faux Talbins ("faux billets de banque" en argot), contient son lot de polémique. À titre d’exemple, cette chanson intitulée Chérie, c’est la guerre.

"Là, c’est de l’écriture automatique. J’ouvre un cahier et j’écris tout ce qui me passe par la tête. Ensuite, je fais le tri, pour voir à quoi le truc me fait penser. La seule façon d’écrire de la poésie, pour moi, c’est comme ça. Je ne pourrais pas écrire sur les rapports hommes-femmes, par exemple. Une chanson sur la beauté et la découverte de l’amour? Non, j’y arrive pas. Avec Chérie, c’est la guerre, j’avais encore envie de parler de l’Europe de l’Est [où il a vécu son enfance]. Les images se sont bousculées: la Pologne et le pape. Toutes ces conneries… C’est à la toute fin que j’ai trouvé ce refrain [le titre de la chanson]. La guerre, elle était là, en toile de fond. Alors, allons-y franchement. Sans filtre, et à la punk."

"Le peuple souffrant de Pologne s’enlise et veut du Vatican / Le pape est mort et c’est un ex-nazi son remplaçant", voilà les mots qui ouvrent le troisième couplet de cette chanson qui se prive de diplomatie. "Voilà! "Et les ecstasys alors remplacent la triste culture de l’espoir", cite-t-il en guise de complément. Mais tout ça, c’est vrai. Ce nouveau pape est un ex-nazi. Je ne vois pas pourquoi on n’aurait pas le droit de le dire. J’imagine qu’au Québec, vous avez entendu toutes ces histoires d’horreur à propos des subordonnés du pape avec les enfants. Après ça, c’est pas possible qu’on se foute pas de leur gueule. Ce sont des cons. Il faut les dégager, ces gens-là!"

À 48 ans, Sanseverino n’a rien perdu de sa fougue anarchisante. Quelques symboles romantiques inspirent toujours les convictions sociales de ce joyeux délinquant. La bande à Bonnot (pilleurs de banques du début du 20e en France) et l’anarchiste français Ravachol se rencontrent dans l’esprit de l’auteur, toujours critique envers la bourgeoisie. "Bonnot et sa bande, ce sont les premiers anarchistes européens. Ces truands, ils avaient de l’esprit, une mentalité et un code de vie. Ils ne commettaient pas seulement des crimes pour se payer la plus grosse bagnole. Il y a quelque chose de politique derrière tout ça. Être un délinquant, c’est aussi avoir des arguments politiques et des convictions."

À écouter si vous aimez /
Tomás Jensen, Le Grand Orchestre du Splendid, Renaud