Allen Toussaint : Oh, when Toussaint…
Caméléon de la musique, le mythique pianiste, compositeur, réalisateur néo-orléanais Allen Toussaint nous entraîne sur les eaux du Mississippi pour clore en beauté le FEQ.
"Oh, je n’oserais jamais vous dire laquelle de mes réalisations m’a rendu le plus fier", m’avoue candidement Allen Toussaint, légende vivante du R’n’B louisianais, sur la feuille de route duquel apparaissent les noms de Fats Domino, Paul Simon, Labelle, Elvis Costello et plusieurs autres. "J’ai eu tellement de bon temps à travailler avec tellement de gens! Chacun d’eux a apporté avec lui sa propre vibe, son propre esprit, alors j’ai toujours pris plaisir à ces collaborations." Mais quand j’insiste pour que ce disciple du Professeur Longhair choisisse l’expérience déterminante de sa carrière, il évoque cette soirée de 1955 où il a littéralement eu la chance d’une vie. "J’étais adolescent, je jouais avec des musiciens locaux, et Earl King, une grande vedette de l’époque, m’a engagé comme remplaçant de Huey Smith, son pianiste attitré. On peut dire que ça a été un moment charnière en ce sens que c’est là que je suis entré officiellement dans le métier."
Depuis quelques semaines, l’increvable septuagénaire a entrepris une tournée qui lui fera jouer devant des publics canadiens, états-uniens et européens d’ici l’automne, une expérience relativement nouvelle pour lui. "Vous savez, la seule tournée que j’aie jamais faite avant ça remonte à 1957, quand j’accompagnais Shirley & Lee. Entre cette époque et Katrina, j’ai passé le plus clair de mon temps en studio. Je n’ai donc pas eu l’occasion de me lasser, de devenir blasé au fil des tournées. Au contraire, j’en tire une certaine satisfaction." Ajoutons qu’avant de se produire sur scène un peu partout sur la planète, l’homme n’avait pas d’idée concrète de l’admiration que suscitait son travail chez les connaisseurs de musique populaire du monde entier. "Je n’en reviens pas, qu’un si grand nombre de gens en sachent autant sur ma musique et moi, qu’ils aient conscience que j’ai écrit, arrangé et produit toutes ces chansons, parce que j’ai toujours oeuvré en coulisses. J’avais toujours pensé que les gens s’intéressaient à l’interprète à l’avant-scène, ce qui est tout à fait normal, mais pas forcément à l’auteur-compositeur, à l’arrangeur ou au réalisateur."
Très attaché à la ville qui l’a vu naître, Toussaint estime volontiers que son parcours a tout à voir avec ses origines. "C’est certain que New Orleans est intimement lié à ce que je suis devenu, à mon développement. Comme artiste, New Orleans m’a nourri, m’a inspiré, toute ma vie." Cinq ans après l’ouragan qui a dévasté le berceau du jazz et des musiques afro-américaines, Toussaint parle de la vitalité retrouvée de son patelin. "Vous seriez étonné de constater à quel point l’esprit de la musique de New Orleans se porte bien. Plusieurs musiciens ont dû partir à cause de Katrina, c’est sûr, mais bon nombre d’entre eux sont revenus depuis. Et sur nos places, sur les parvis des églises, les cuivres résonnent à nouveau, comme au bon vieux temps. Vous savez, à New Orleans, ça fait partie de la tradition, d’exorciser le deuil à travers la musique…" À n’en pas douter, cet esprit de fête et de catharsis figurera au menu de la soirée que nous propose Allen Toussaint en clôture du FEQ.
À écouter si vous aimez /
Professor Longhair, Fats Domino, Doctor John