Fool’s Gold : L’échange est d’or
Vampire Weekend a attiré l’attention, et Fool’s Gold entend bien profiter de la brèche pour vous convertir aux rythmes du monde. Tendrez-vous la main?
Symptôme d’un cyberespace sans frontières qui facilite l’accès aux groupes les plus obscurs de la planète, l’explosion des poursuites pour plagiat entre musiciens soulève un débat important: le compositeur a-t-il exploré toutes les possibilités qu’offre la musique pop? Est-ce encore possible d’arriver avec un son frais, qui ne soit ni un calque ni un puissant dérivé d’un courant antérieur? Si les groupes occidentaux semblent avoir fait le tour du jardin – aujourd’hui, seuls les plus inventifs s’en sortent -, la solution pourrait bien se trouver dans un plus grand échange entre les musiques d’ici et celles du Moyen-Orient, d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine.
Sans affirmer qu’elle révolutionne la musique pop, une nouvelle vague portée sur les échanges culturels croît présentement sur la scène indé américaine, où Vampire Weekend obtient beaucoup de succès en combinant son rock-punk-ska à des sonorités congolaises et sud-africaines. Deuxième jalon du mouvement, la formation californienne Fool’s Gold inverse carrément les proportions. Plus ancré dans les musiques du monde, le collectif injecte à ses pièces une esthétique rock assez convaincante pour être inclus dans l’élitiste circuit souterrain. Ainsi, en concert cette semaine à Montréal, le groupe aurait pu se produire dans le cadre du Festival de Jazz ou de Nuits d’Afrique, mais sera plutôt au chic et branché Belmont.
"Fool’s Gold est né comme bien des groupes, explique le chanteur-bassiste Luke Top. Je me suis retrouvé à jammer avec Lewis (Pesacov, guitariste) avec une seule idée en tête: expérimenter en fusionnant les différents styles de musique que nous aimions. Ensuite, nous invitions des amis, peu importe leur bagage musical, à venir nous rejoindre pour ajouter leur touche."
Or voilà, Israélien déménagé en Californie à l’âge de trois ans, Luke est né d’un père russe et d’une mère irakienne. Les mélanges culturels, il connaît, lui qui chante autant en hébreu qu’en anglais. "Je suis tombé en amour avec la bossa-nova à l’âge de 20 ans. Ensuite, ce fut l’afrobeat. Puis la collection Éthiopiques a eu une forte influence chez moi", poursuit-il avant de citer Kanda Bongo Man, Ali Farka Touré et King Sunny Adé.
Facteur tout aussi déterminant, parmi les invités aux répétitions initiales de Fool’s Gold, se trouvaient des musiciens originaires de l’Argentine, du Brésil, du Mexique, et des amis de Lewis aperçus au sein des groupes rock We Are Scientists et The Fall. Des conditions gagnantes pour un joyeux bordel d’influences. "On sent de plus en plus de mélanges entre la musique occidentale et la musique africaine et d’Europe de l’Est. Chaque coin du monde a d’abord sa culture ancestrale, sa propre musique folk. Puis divers dialogues ont eu lieu grâce aux artistes de renommée internationale. Par exemple, Tinariwen a transformé la musique des Touaregs en lui donnant une décharge de guitare électrique en lien avec Led Zeppelin et Jimi Hendrix. James Brown a exporté son soul, très présent sur les disques Éthiopiques.
"Sans doute parce qu’il reflète ma propre existence, ce mélange des genres m’a toujours attiré. Ça se reflète dans la musique de Fool’s Gold, sauf que nous sommes de ce côté-ci du monde. Alors c’est nous qui empruntons à la musique d’ailleurs."
Mené par l’excellente Surprise Hotel et ses motifs de guitare africains accrocheurs, le premier disque homonyme de la formation, paru en septembre 2009, est l’oeuvre d’une douzaine de musiciens coupés de moitié sur scène. Luke souhaite que l’album serve de porte d’entrée à la musique du monde pour un public américain souvent fermé d’esprit. "Le mot "missionnaire" est peut-être un peu fort, mais si notre disque peut convertir plus de Blancs aux musiques du monde, j’en serais bien heureux."
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Extra Golden, Vampire Weekend, les disques Éthiopiques