Ismaël Agana : Histoire d'y voir…
Musique

Ismaël Agana : Histoire d’y voir…

Ismaël Agana est une des bonnes surprises du FINA 2010. Après un assez long silence, le fils aîné d’Alpha Blondy reprend ses droits de reggaeman et de vigie de la Côte d’Ivoire avec un nouvel album, Rootsteady.

Un authentique artiste africain qui accepte de vous parler au téléphone pendant un quart de finale de la Coupe du monde de soccer, c’est rare. Mais Ismaël Alpha Koné, alias Agana, est très à ses affaires. Très "focusé", comme on aime dire ici. Alors pourquoi cet arrêt de quatre ans depuis le troisième album?

"J’avais besoin de prendre du recul, de tenter de nouvelles expériences, d’observer pour me retrouver, m’explique-t-il en mentionnant quelques tournées importantes et de longs séjours en Europe. Mon premier disque international était plus proche des variétés, mais là on est vraiment dans une nouvelle approche, plus directe, avec le concept Rootsteady."

Joli jeu de mots, en effet, qui décrit assez bien la pâte sonore et le groove de ce disque qui alterne anglais et français avec naturel. Comme le répète le refrain, c’est un mélange engagé de "roots, rock et reggae" avec des basses hyper lourdes, des cuivres et des choeurs à profusion. Déjà qu’il n’est pas évident de faire du reggae en Côte d’Ivoire, imaginez lorsqu’on est le fils d’Alpha, le père fondateur du genre. Au cours de cette entrevue, Agana (c’est son nom d’artiste qui fait de lui une vigie, un assoiffé de vérité) se réfère au leader en utilisant l’expression "mon géniteur". Si les deux hommes ne sont pas très proches, on sent nettement un grand respect mutuel.

"Il est cool, confirme-t-il. On a de longues discussions et on n’est pas toujours d’accord, surtout sur les choix et les appuis au niveau politique. Mais on échange valablement et il ne me dit pas quoi faire en musique."

Très ancré dans le drame politique ivoirien, le rude boy des quartiers pauvres est intransigeant mais résolument optimiste et déterminé. Pour lui, les solutions ne viendront que de l’intérieur, des Africains intègres et disciplinés. Ses pièces Raisons d’état, Marcoussis, Revolution et I Am Soldjah le confirment largement. On dénote aussi une réelle tension aggravée par l’utilisation intempestive d’extraits de la radio locale. C’est le genre de suspense que décrit la chanson Insécurité sociale.

"La chanson raconte comment, de retour de voyage, nous avons aperçu un corps inanimé étendu au bord de la route, à Abidjan. Nous voulions nous arrêter pour lui porter secours mais c’était trop dangereux, on flairait le guet-apens. On a dû alors se rendre au poste de police le plus proche pour faire un rapport. La vérité, c’est que cette insécurité permanente affecte tous les comportements normaux. Cette peur viscérale déshumanise la société."

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