Rammstein : Purifier par le feu
Musique

Rammstein : Purifier par le feu

Le groupe allemand Rammstein a imposé une esthétique scénographique et musicale unique qui a repoussé les limites. Après le mur, place à la guérison.

Nous sommes fébrile au moment de parler à l’un des membres de Rammstein, le guitariste et principal compositeur, Richard Z. Kruspe. Non parce que nous sommes un inconditionnel du groupe allemand depuis plus d’une décennie. Il y avait bien une certaine curiosité au tout début, en 1996, lorsque nous avons entendu pour la première fois la chanson éponyme Rammstein au cinéma, assis devant le film de David Lynch Lost Highway. Une symbiose parfaite entre deux univers glauques et inquiétants qui ratissent le subconscient.

La fébrilité monte au dernier moment, car on s’explique mal ce qui peut pousser ce quintette allemand à faire preuve d’une telle fascination pour les sujets morbides, les accessoires tranchants et la perversion des moeurs en tout genre. Une liberté d’expression parfois à la limite du tolérable, qui nous gifle avec une musique rutilante, forte et d’une rare précision. Sans compter la voix du chanteur Till Lindemann

Avec son dernier disque, intitulé Liebe ist für alla da (Love is there for everyone), Rammstein a encore connu son lot de controverses. Premièrement, la pochette, censurée en Allemagne, qui représente une femme nue livrée en pâture aux membres du groupe. Deuxièmement, le film pornographique qui accompagne la chanson Pussy; Madonna peut se rhabiller… Pour conclure, la chanson Wiener Blut, qui témoigne des événements entourant la saga juridique de Josef Fritzl (un Autrichien de 82 ans qui avait maintenu en captivité, violé, mis enceinte et agressé physiquement sa propre fille pendant 24 ans) et qui a scandalisé l’Europe. La question est simple: manquons-nous d’humour?

"Oui, surtout en Allemagne; on a toujours des problèmes chez nous!" constate Richard Z. Kruspe, sourire en coin. "Pourtant, je pense bien que les gens y ont le même sens de l’humour que nous! Pendant plusieurs années, il y a une génération d’Allemands qui se sont sentis coupables, ils commencent à peine à relativiser l’héritage de la Deuxième Guerre mondiale et ses conséquences sur notre société. Parfois, je les trouve encore trop complexés et conservateurs."

Le guitariste se montre affable et nous expose sans détour l’univers de création au sein du groupe qu’il a fondé avec Lindemann en 1994, auquel se sont ajoutés Paul H. Landers (guitare), Oliver Riedel (basse), Christoph Schneider (batterie) et Christian Lorenz (clavier). "Nous sommes ce que nous sommes: un groupe d’Allemands qui ont vécu à Berlin-Est. C’est un bagage culturel qui nous a amenés où nous sommes aujourd’hui en tant que groupe. Nous sommes consciencieux en ce qui concerne l’identité allemande, on ne veut pas blesser qui que ce soit. Notre musique est souvent très simple dans sa forme, elle se compare souvent à une cadence, un mouvement de masse. Ce n’est pas militaire, mais presque. La dimension théâtrale de Rammstein, c’est en nous depuis la fondation de ce groupe. Mais nous ne sommes pas seulement le reflet d’un passé, il y a le présent aussi."

Kruspe n’a pas de difficulté à nous convaincre que le côté obscur de la vie fascine son collègue Till Lindemann depuis toujours. "Le sujet de Wiener Blut, il fait partie de la réalité. (…) Tu sais, chacun des membres de ce groupe a son propre code de moralité, qu’on respecte. Il y a des choses que nous ne ferions pas, bien sûr. Mais se censurer, ça, jamais. Nous avons grandi dans un système où tout était contrôlé. La force de ce groupe réside dans sa liberté, dans sa lutte contre cette forme de censure. C’est ça, notre histoire."

Cette sixième production est sortie alors qu’on soulignait le 20e anniversaire de la chute du mur de Berlin à l’automne 2009. Pure coïncidence? "Absolument. On n’aurait jamais joué avec ça. Le mur nous a marqués tous les cinq. Même si, quelque part… c’est comme s’il n’avait jamais existé. C’est maintenant un concept, c’est dans la tête."

À écouter si vous aimez /
Nine Inch Nails, Emigrate et Danzig