The National : Le clan des cinq
Ou comment les gars de The National sont passés maîtres dans l’art de se vautrer dans les ténèbres sans trop cochonner leurs smokings.
On ne tombe pas en amour avec High Violet, dernière offrande de The National, au premier coup d’oreille. Dense et magnétique, il prend le temps de se frayer un chemin avant de révéler, sous des couches d’orchestrations, le coeur de ses ballades douces-amères, tourmentées. "C’est peut-être notre album qui survit le mieux aux écoutes répétées", propose Bryan Devendorf, batteur.
La force du groupe new-yorkais, ce qui fait son charme et attire ses adeptes, c’est probablement cette façon de demeurer grave sans sombrer dans quelque chose de trop spleenétique; en somme, d’opter pour le violet plutôt que le noir. "Et le pire, c’est que cet album, au départ, on le voulait plus léger! rigole-t-il. On s’est rendu compte assez vite que la chose n’allait pas être possible."
Le jeu de batterie de Devendorf compte pour beaucoup dans la manière de dynamiser les chansons qu’a développée The National. "J’identifie des patterns et me laisse influencer, j’essaie d’émuler des trucs qui me plaisent. Mais c’est plus de l’ordre de l’hommage que du pillage. Mon principal modèle est Stephen Morris de Joy Division. Je pense qu’il s’était inspiré des drum machines."
Devendorf n’a rien du batteur peu loquace en entrevue. Le voilà lancé dans une analyse de l’évolution du songwriting du chanteur-parolier Matt Berninger: "Ce qui s’est le plus transformé chez lui, c’est son sens de la mélodie. Ce gars-là a le don de ficeler de jolies lignes, ça semble presque facile à le voir aller, et il le fait sans prétention. Au début, quand on a commencé, ses textes étaient plus verbeux. Aujourd’hui, il laisse davantage de place à l’interprétation, privilégie l’abstraction. Je pense que l’auditeur arrive encore mieux à se rallier à ses textes, plus évocateurs dans l’ensemble." Un des fans les plus célèbres du quintette, Barack Obama, a d’ailleurs fait de Fake Empire (ouverture de l’album Boxer) son chant de ralliement en campagne présidentielle. "Fake Empire est la métaphore d’une relation qui ne fonctionne pas, du monde imaginaire qu’ont bâti deux êtres… Mais quelque chose, dans la musique, suggère quand même l’espoir."
Alors que certains groupes aux prises avec d’interminables querelles d’ego et les mêmes problèmes qu’un vieux couple se tournent parfois, au bout d’un moment, vers un thérapeute, au sein de The National, règne une belle harmonie, c’est même presque une affaire de famille puisqu’on y retrouve deux paires de frères (les jumeaux Dessner et le frangin de Bryan, Scott Devendorf, à la basse). "On a tous grandi en banlieue de Cincinnati, nos parents sont encore mariés, la famille et les racines sont fondamentales pour chacun de nous; d’ailleurs, nos parents continuent de venir à nos shows une fois de temps en temps! En plus, on a le même sens de l’humour… On est des vieux potes, c’est précieux quand tu partages autant de choses avec des gens et depuis aussi longtemps."
À voir si vous aimez /
La voix de Stuart Staples, la noirceur de Joy Division, le lyrisme des Smiths