Tracteur Jack : Faites comme chez vous!
En moins d’un an, Tracteur Jack est passé du statut de band de garage à celui de formation qui fait swinguer Mario Dumont sur sa chaise de bureau. Tout ça, en écrivant lui-même le manuel pratique de la musique DIY au Québec.
Il n’en pleut pas des bands qui affirment venir de l’Outaouais. Encore moins nombreuses sont les formations qui s’installent dans la région et qui font de Gatineau un choix de carrière. Pourtant, c’est bien le cas du quatuor Tracteur Jack, qui lançait au printemps son premier album numérique, Western Camembert. Voir a donné rendez-vous à deux de ses membres, le fondateur Dominic Faucher (guitariste et chanteur) et Julien Morissette (contrebassiste), au Café Corsé, sympa maison de torréfaction hulloise. Facilement repérables (barbes de cinq jours et look savamment négligé) parmi la clientèle homogène de l’établissement, les deux musiciens m’accueillent promptement. Poignées de main fermes. Sourires affables et sincères. On s’attable autour de trois cafés filtre. La discussion prend rapidement sa vitesse de croisière. Si nous nous étions croisés à quelques occasions au cours des derniers mois, c’est la première fois que nous discutions face à face en tout près d’un an.
Home, sweet home
"Au même moment l’an dernier, on était crevés parce qu’on venait de se taper notre première tournée en importance, la Tournée du crabe jaune. Y’en avait un qui était à Hull, l’autre était à Orléans, moi j’étais à Montréal et Dominic était à Québec. On s’est dit qu’il valait mieux pour tous de retourner en Outaouais. C’était ça ou le band allait mourir, tout simplement", affirme d’emblée Julien Morissette. Dominic Faucher renchérit: "Ça a été un choix de conscience, parce qu’on aurait bien pu déménager à Québec ou Montréal, mais on sentait qu’il y a de plus en plus ici une vitalité culturelle: Le Temporaire [coopérative d’arts visuels], le Festival de l’Outaouais émergent… On voulait éviter de contribuer à la migration des talents vers les grandes villes."
En s’installant définitivement en plein coeur du Vieux-Hull, à quelques minutes de la colline parlementaire fédérale, Faucher se doutait bien que la démarche autarcique entamée depuis les débuts n’allait que s’intensifier. "On est allés chercher les ressources pour être en mesure de continuer à rester ici. Maintenant, on est autant outillés pour réussir que si on avait choisi d’habiter Montréal."
L’effet boule de neige
Pragmatique, Tracteur Jack a tissé, au moyen de réseaux sociaux comme Twitter, des liens importants vers des acteurs capitaux des sphères médiatiques et artistiques qui leur ont donné de sérieux coups de pouce au fil des derniers mois. Ça a été le cas pour l’entrevue avec Mario Dumont, qui a lancé un bal de relations de presse pour le moins inattendu. "La recherchiste de son émission [Dumont remplaçait Paul Houde cet été] au 98,5 FM de Montréal suivait mes twits. Elle a vu ce qu’on faisait et est entrée en communication avec nous. Quelques minutes avant l’entrevue, elle nous a dit que Dumont aime pas mal notre musique et qu’il dansait en studio!" se rappelle Faucher dans un éclat de rire, en ajoutant que c’est à cet instant précis que le mot s’est répandu comme une traînée de poudre. "Le téléphone s’est mis à sonner, pis, par moments, on savait pas trop comment réagir, comme quand Mitsou a appelé. Quand elle m’a dit: »Bonjour, c’est Mitsou Gélinas », j’ai tout de suite dit: »Dominic, arrête de me niaiser… », mais c’était vraiment elle", se rappelle Morissette à propos de sa discussion avec l’animatrice, qui rédige une chronique Web traitant des musiciens qui utilisent la toile comme plateforme principale. "Ça surprend les promoteurs et les différents diffuseurs qu’on puisse faire ça par nous-mêmes. Y’a des compagnies comme Audiogram et Slam Disques qui ont l’air intéressées pis qui regardent les choses aller. Probablement pour voir où est-ce que ça va mener tout ça."
Et la musique?
Avec Western Camembert – un premier opus de gypsy rockabilly qui met adroitement en lumière sa personnalité joliment louche, et désormais offert sur son site Internet de façon gratuite -, Tracteur Jack entend jouer dans les ligues majeures dans peu de temps. "On s’est donné trois ans pour passer d’émergents à professionnels. Ce que j’entends par professionnel, c’est de vivre uniquement de la musique, faire ça de nos vies. Pas faire des tournées à perte, pas se faire considérer comme un band de garage. C’est ça, l’ultime but. Ça fait déjà un an, je pense qu’on est sur la bonne voie. Tsé, on s’est booké les FrancoFolies par nous-mêmes! C’est un drôle de coup de chance", mentionne Faucher. Mais ultimement, Tracteur Jack ne laissera jamais son destin à la chance. Ce serait trop facile. "En ce moment, on est dans Tracteur Jack à temps plein, mais on le voit comme un investissement, comme n’importe quelle compagnie. Ça prend quelques années dans le rouge pour ensuite pouvoir récolter les fruits du travail accompli. On sème des graines; faut laisser le temps aux fleurs d’éclore."
À écouter si vous aimez /
Sanseverino, Mononc’ Serge, The Lost Fingers