Bobby Bazini : La belle bête
Le Québec ne se contient plus devant Bobby Bazini et sa pop-soul pétrie de nobles influences. Nous avons tenté de lui arracher quelques impressions et confidences. Tâche ardue, résultat mitigé.
De toutes les facettes de son nouveau métier, l’entrevue s’avère sans doute celle qui cause le plus de difficultés à Bobby Bazini. Rien de la verve piquante du railleur Bob Dylan époque Highway 61 dont il singe le look sur la pochette de son premier album, Better in Time. On dira à sa décharge que cet affable laconisme va de pair avec les yeux tristes qu’il promène depuis quelques mois en promotion de Paris à Mont-Laurier.
Voyez voir. On lui demande: "Quelle expérience désires-tu faire vivre aux spectateurs lors de tes concerts?" À ce genre de question, les artistes ont habituellement une réponse léchée et polie, prête à être soufflée au premier gratte-papier venu. Le jeune-homme-à-la-voix-de-vieux-chanteur-noir, comme le veut désormais le cliché, semble pourtant pris au dépourvu comme si on l’interrogeait sur l’état de l’économie mondiale. "Je ne sais pas…" laisse-t-il d’abord tomber avant d’ajouter: "J’aimerais qu’ils passent une belle soirée." Simplicité désarmante, oui. Une belle soirée; pourquoi se casser le ciboulot?
Un autre Bobby Bazini moins déconcertant de candeur se pointe parfois le bout du nez au détour de certaines tournures de phrases qui laissent entendre que les impératifs de la carrière et du succès – 40 000 exemplaires vendus de Better in Time, numéros 1 à la douzaine pour le "jamesbluntesque" simple I Wonder, échange à bâtons rompus avec Nagui sur le plateau de Taratata -, attisé par une campagne de promotion agressive, pèsent déjà sur ses épaules. On lui demande s’il a eu l’occasion de revisiter son Mont-Laurier natal, auquel on le sait très attaché. "J’ai eu quelques journées de vacances. J’en ai bien profité, mais là ça recommence et ça va être encore pire. Plus le temps passe, plus je suis occupé."
"Je suis quelqu’un qui n’aime pas beaucoup sortir de son patelin, avoue-t-il à un autre moment. Aller en Europe, toutes ces choses-là… Mais je vais m’habituer, je pense", rumine-t-il sur le ton de celui qui essaie de se convaincre, avant d’ajouter que, tout compte fait, Paris, dont il a déjà foulé le sol six fois, ce n’est pas laid du tout.
UN JOUEUR D’ÉQUIPE
Bobby Bazini possède la voix d’un chanteur qui en a vu des vertes et des pas mûres, mais son expérience de scène demeure somme toute minimale. Il avoue ainsi se compter heureux d’être entouré de gens d’expérience. "J’apprends le métier avec l’équipe que j’ai derrière moi. C’est beaucoup de préparation, les concerts, monter les set lists, trouver des bonnes reprises à faire. Il a fallu qu’on répète beaucoup, mais au moins, ça a cliqué assez vite avec le band."
Parlant reprises, Bazini, qui dit avoir été élevé au son des microsillons de Johnny Cash de sa grand-mère Louise et qui nomme comme influences Al Green et Otis Redding, des bêtes de scène à l’intensité de preachers, interprète dans sa présente tournée des chansons d’un autre svelte éphèbe, quoique d’un genre radicalement plus tapageur, Jim Morrison. "Le but, c’est de vivre totalement son morceau. C’est ce que ces chanteurs-là faisaient et j’essaie de suivre leurs traces."
Bazini ne s’inscrit cependant pas dans le même sillon autodestructeur que le Roi lézard. Du moins, il s’agirait d’une bien vilaine façon de faire manger ses bas à un des membres de son entourage, Daniel Bibeau qui, interviewé dans une récente dépêche d’AFP, lui prédisait un avenir à la Céline Dion. Commentaires du principal intéressé: "Quand je l’ai entendu, je trouvais que la barre était haute. On n’a pas la même carrière non plus, ce n’est pas la même chose et j’ai encore beaucoup de travail à faire."
À écouter si vous aimez /
Jack Johnson, John Mayer, Ben Harper