Chilly Gonzales : Comme au cinéma
Chilly Gonzales est de retour, plus en forme – et protéiforme – que jamais… Et pas nécessairement là où on l’attendait. Brin de causette avec l’inimitable entertainer.
Décidément, dans sa France adoptive, Gonzo ne chôme pas. En plus de plancher sur le nouveau Feist et d’avoir collaboré à l’album de Katerine (parution le 28 septembre), le voilà qui lance un nouvel album et un film – un vrai long métrage, présenté dans les festivals et remarqué à Locarno. Il est de retour du Japon, "seul endroit où mon dernier album a été compris. Je crois que c’est ma faute, le consommateur a raison, j’ai mal évalué la réaction du public. C’était mon album le plus sincère, mais il a été reçu comme l’inverse… Une période d’analyse et de réflexion a suivi."
Si Soft Power, auquel il fait allusion, emmenait l’auditeur dans la contrée pop-kitsch des Bee Gees et de Lionel Richie, le nouvel opus l’entraîne ailleurs. Réalisé par l’Allemand Alex Ridha – monsieur Boys Noize -, Ivory Tower est en quelque sorte une conversation entre Gonzales et Boys Noize, un dialogue dans lequel le premier a le gros bout du bâton et le second se contente d’être en réaction, souvent discret, ailleurs omniprésent. "Oui, c’est quelqu’un qui sait écouter… Sinon, tu imagines l’album horrible que ça aurait donné? Un truc piano house, alors qu’ici on n’est ni dans la musique de club ni dans le piano classique." Rencontre entre le piano impressionniste de l’un et la matière sonore plus technoïde et carrée de l’autre pour un résultat hybride qui ne ressemble à rien d’autre, surtout pas à Soft Power puisque Ivory Tower est peu bavard. Sur deux titres, l’entertainer se permet de rapper sa poésie éclatée, dans des échappées aux images fortes ("Je suis un film sans intrigue, une toilette sans siège", etc.). "Sur I Am Europe, je me parle à moi-même. Je suis né à Montréal, mais mes parents viennent d’Europe et je m’y suis ré-enraciné. J’appartiens à deux clans et c’est de cette généalogie que je parle sur cette chanson." Il y a aussi The Grudge ("rancune" en français), titre sur lequel il rend hommage à un de ses défauts: "Mettre en scène mes défauts dans une chanson me permet d’initier avec eux une conversation tout en contrôlant le cadre du débat, analyse-t-il. J’ignore si l’auditeur se reconnaîtra là-dedans, mais pour moi la rancune peut devenir un moteur."
Le film, aussi intitulé Ivory Tower, a reçu la mention spéciale du jury au dernier Festival de Locarno en Suisse, et sera projeté à Montréal en octobre dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma. Peaches, Tiga et Gonzo lui-même y jouent un rôle, de même que ses parents. Le Canadien Alan Traynor en signe la réalisation. "Dans le film, les échecs – un passe-temps à la fois sportif et poétique – deviennent une métaphore de mon rapport à la musique, de mon questionnement autour de l’art: puristes versus businessmen, tous aussi narcissiques les uns que les autres, finalement. Faut pas voir leurs perspectives comme étant nécessairement contradictoires, art et commerce peuvent être fusionnés. Les rappeurs ont intégré ça dans leur approche… Faut juste s’organiser pour pisser dans une direction à la fois!"
Chilly Gonzales
Ivory Tower
(Arts & Crafts)
En magasin le 14 septembre
À écouter si vous aimez /
Boys Noize, AIR, l’éclectisme