François Racine : De l'ombre à la lumière
Musique

François Racine : De l’ombre à la lumière

François Racine revient à l’Opéra de Montréal pour y mettre en scène le 17e opéra de Giuseppe Verdi, Rigoletto.

Le communiqué émis par l’Opéra de Montréal pour annoncer sa prochaine production a beau s’intituler "Le bouffon… bouffé!", on n’est pas vraiment dans l’opéra-bouffe avec Rigoletto. De la malédiction du début jusqu’à l’assassinat final, et bien que le personnage central soit un bouffon, on est bien dans le mélodrame.

François Racine, dont on voyait la mise en scène de Cosi fan tutte l’année dernière à l’Atelier lyrique, s’attaque pour la première fois à l’oeuvre de Verdi et Piave (d’après Victor Hugo). "Je n’aime pas, sauf exception, les oeuvres qui sont à mi-chemin entre le drame et la comédie. Ici, c’est assez clair. Le personnage de Rigoletto est sombre, sa trame est complexe, et contrairement à ce qui se passe souvent, on commence par le détester, parce qu’il est cruel, ensuite on éprouve de l’empathie, puis à la fin, on souffre avec lui."

Les interprètes ont tous déjà touché à l’oeuvre: le baryton anglais Anthony Michaels-Moore a déjà plié sous la bosse du bouffon, la soprano américaine Sarah Coburn a déjà prêté sa voix à Gilda, et le ténor canadien David Pomeroy n’en est pas à son premier grand air dans le costume du duc de Mantoue (c’est à lui que revient l’un des airs les plus connus du répertoire: La Donna è mobile).

Avantage ou désavantage pour le metteur en scène? "Je suis vraiment bien tombé, explique-t-il. Je leur ai dit, bien sûr, que c’était une première pour moi, et ce regard neuf me permet de leur poser des questions sur leur personnage et ça leur offre des occasions de remise en question, ou de redécouverte du rôle. Souvent, on est plus dans la direction d’acteur que dans la mise en scène. On ne peut pas "jouer gros", comme on le fait souvent à l’opéra."

Travaillant avec les décors et costumes que Carl Toms (1927-1999) a conçus pour le San Diego Opera, le metteur en scène collabore étroitement avec Anne-Catherine Simard-Deraspe, qui conçoit les éclairages: "De ce côté-là, il y a du jus! On se promène beaucoup, du matin au soir et même jusque dans la nuit pour la scène finale, alors ce sont des problématiques intéressantes. Il y a la scène de l’enlèvement, où il doit faire trrrès noir!" dit-il en ne pouvant retenir son rire. C’est que pour cette scène, la convention opératique revient au galop: il faut que le spectateur soit prêt à croire que Rigoletto accepte spontanément de participer à un enlèvement, que pour ce faire il consent à porter un masque sans se rendre compte que celui-ci lui obstrue la vue et l’ouïe, et qu’il est chez lui, où il enlève sa propre fille.

"L’opéra a été censuré et coupé à l’époque, commente Racine, et il y a des raccourcis qui sont un peu forts… et que l’on doit accepter." Ravi, le metteur en scène assure que la distribution est parfaite: "Ils ont l’allure de leur personnage, la personnalité, la voix, tout! Aussi bien pour les grands rôles que pour les petits. On peut y croire." On ne demande que ça.