Jenny Salgado : Fleur de macadam
Musique

Jenny Salgado : Fleur de macadam

Après Dramatik et Imposs, ses deux collègues au sein de Muzion, au tour de Jenny Salgado de tenter l’aventure solo. Une "deuxième naissance", dixit la rappeuse aux grands yeux graves.

D’abord, il y a ce titre intrigant, un brin obscur, …Et tu te suivras, où la forme pronominale a son importance et les points de suspension aussi, peut-être suspendus là comme un pont entre Muzion et l’échappée en solitaire: "Oui, c’est comme une deuxième naissance dans la mesure où Muzion a été une grosse partie de ma vie, explique celle que l’on appelait autrefois J.Kyll. Mais l’usage des points de suspension, c’est aussi une manière de signifier qu’il y a eu tout un cheminement, somme toute très sinueux, avant d’arriver à une conclusion qui n’est pas une vérité, c’est simplement où je suis rendue."

Quiconque prend la peine de feuilleter le livret qui accompagne l’album se retrouve devant des textes chargés qui se déclinent autour d’une quadruple quête: d’amour, de vérité, de bonheur et de liberté. Quelque chose d’important se joue ici, l’enjeu est de taille, et Jenny Salgado l’expose dès la première chanson (Il n’existe que des fuites): "Quelqu’un se retrouve devant une solitude quasi absolue. Il a une prise de conscience, puis un choix à faire: abandonner ou s’abandonner. Dans le milieu, entre deux chaises, t’es pas libre. Le personnage accepte l’invitation à la fuite et se retrouve happé par un tourbillon", explique celle qui a écrit et coécrit des textes pour Sylvie Paquette, Diane Dufresne et Gage.

Bien qu’elle expose une quête personnelle, la musicienne, dont on connaît aussi l’engagement envers sa communauté, n’hésite pas à prendre position à quelques reprises, contre la mondialisation dans Africa, envers sa langue maternelle dans Spit White!. "S’engager, c’est prendre conscience qu’on n’est pas seul. J’ai voulu faire un album pour parler à la fois de moi et de nous", dit celle qui a récité le fameux poème Speak White de Michèle Lalonde à l’occasion du Moulin à paroles sur les plaines d’Abraham pour la commémoration du 250e de la grande bataille. "Je fais de la musique dans le but de me rallier aux autres."

Difficile de se positionner musicalement après avoir fait partie d’un groupe au son bien défini? Devant un album aussi éclectique, véritable mosaïque empruntant au rock, au rap, à l’électro et aux musiques du monde, la question se pose. "Le hip-hop est venu me chercher avec Muzion et on me connaît pour ça, mais moi, à la base, je tripe sur plusieurs genres." Avec ses complices, les frères André et Martin Courcy, Jenny a mis au point un petit système organisé autour des émotions véhiculées dans les chansons: "Le rap quand j’ai quelque chose à revendiquer, l’électro pour mettre en scène le monde des machines dans lequel on vit, le world pour rassembler, la guitare rock quand la colère monte…"

Battante, forte et droite… C’est dans le ghetto que Jenny from the block a puisé sa drive. "J’ai grandi dans le quartier Saint-Michel et ça m’a construite, ça m’a donné une forte personnalité parce qu’il faut que t’aies du caractère quand tu évolues dans les quartiers plus chauds. Et aussi pour en sortir, parce que le ghetto, c’est d’abord et avant tout dans la tête."

Jenny Salgado
…Et tu te suivras
(Tacca)

À écouter si vous aimez /
Betty Bonifassi, Neneh Cherry, Muzion