Eels : Les saisons du coeur
L’amour dure trois disques pour le one-man band californien Eels.
Mark Oliver Everett (ou juste "E" pour les fans) est somme toute peu loquace. Stationné à Barcelone, il est affable, heureux de retrouver la route après quatre ans (ces jours-ci avec les collaborateurs de longue date Jeffrey "The Chet" Lyster et Koool G Murder, à la guitare et à la basse, le guitariste P-Boo et le batteur Knuckles), mais avare de confidences sur les circonstances entourant le dernier volet de l’aventure Eels: une trilogie sur le cycle amoureux, dévoilée en tout juste un an à raison d’un nouvel album aux six mois.
On peut le comprendre. Avec Hombre Lobo (lancé en juin 2009, ayant pour thème le désir), End Times (paru en janvier, à propos de la rupture) et le tout nouveau Tomorrow Morning (largué en août, sur la renaissance et le renouveau), il a déjà tout dit en détail. "Toutes les chansons ne sont pas 100 % autobiographiques, mais pour qu’un projet comme celui-là fonctionne, il faut pouvoir s’y retrouver au moins un peu. Grosso modo, chaque chapitre raconte ce que je traversais à ce moment", confie le seul membre permanent du combo californien actif depuis 1995.
Au travail sur le cycle depuis quatre ou cinq ans, désireux depuis un moment de faire "trois albums sur une émotion humaine spécifique", il a trouvé dans sa propre vie les événements en mesure de l’inspirer. "Heureusement, les choses se passaient exactement au moment où il le fallait pour m’aider à écrire", souligne-t-il. À entendre le désarroi de Hombre Lobo et la noirceur de End Times, on hésiterait à employer le terme "heureusement"… "J’imagine que c’est un cas de: "prends garde à ce que tu souhaites"", acquiesce le principal intéressé.
Au coeur, comme il se doit, de la tournée actuelle du groupe, les trois chapitres de la trilogie explorent chacun un climat musical différent. "J’ai juste essayé de coller au contenu lyrique de chaque album, explique E. Pour le désir, la guitare électrique me semblait plus appropriée. Pour aborder la perte, il me semblait qu’il fallait un son plus isolé, éloigné, style auteur-compositeur… Acoustique, quoi! Tomorrow Morning a l’enveloppe la plus inhabituelle des trois, selon moi. Je voulais le rendre à la fois très festif et très électronique. Dans mon esprit, ce n’étaient pas des choses qui allaient ensemble: la musique électronique est pour moi une musique très froide. C’était un défi de la rendre heureuse, chaleureuse. Finalement, c’est facile: il suffit d’avoir des pensées positives en jouant!"
Alors que le lancement de deux albums en un laps de temps trop court est souvent considéré comme un suicide commercial, E n’a aucun scrupule à en avoir enfilé trois. "J’ai toujours voulu travailler à ce rythme: lancer un album aux six mois, juste pour voir", indique-t-il. "C’est ainsi que les choses fonctionnaient dans les années 60. Les années 80 ont tout changé. C’est alors devenu la nouvelle norme de lancer un album aux deux ans. Selon moi, c’est trop lent. J’ai passé beaucoup de temps à faire ces trois disques. Quand ils ont été terminés, je me suis dit: "Voici ma chance!" Après tout, ils sont tous reliés… Et puis, on n’avait rien sorti depuis Blinking Lights and Other Revelations, il y a quatre ans. Je me disais que c’était une bonne façon de rattraper le temps perdu."
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