Millimetrik : Méditation tribale
Millimetrik signe un cinquième album qui a ouvert la porte à des rencontres qui détonnent. Quand la voix est au service d’un spectre rythmique incandescent.
Le travail ne manque pas pour Pascal Asselin, alias Millimetrik, qui semble de plus en plus s’adonner à la création musicale pour la scène théâtrale. Il travaille actuellement sur la pièce Vertiges et planche sur les arrangements musicaux de la chorégraphie Jumeaux, qui sera présentée à La Rotonde bientôt. Même que la musique de la pièce de théâtre Quatre à quatre, qui fut gravée sur disque en 2009, lui mérite une nomination au GAMIQ cette année.
Mais c’est Mystique Drums qui retient ici notre attention. Avec ce cinquième album, l’artiste nous offre un exercice studio qui tranche avec ses précédentes productions aux thématiques parfois précises. Comme Northwest Passage’s New Era en 2008, un périple nordique ambiant et visuellement évocateur. "Le nouvel album a été composé un peu partout, pendant deux ans et des poussières, précise-t-il. Les deux pièces (Danse rue de Chabrol danse et L’Unité de défense) qui ouvrent Mystique Drums ont été écrites alors que j’étais en Europe pour la tournée Northwest. J’ai abordé l’exercice de composition pièce par pièce, sans me casser la tête avec un concept. Le point de départ, c’était la rythmique: les bass et les drums. Je voulais me permettre un trip pour ce cinquième album. J’aime le post-rock, alors il y a des pièces qui font rock épique. J’aime aussi le dubstep et j’ai greffé des morceaux avec plus de basse. Je voulais travailler avec la voix aussi. Ça paraît contrasté comme production électro, mais j’y vois malgré tout un fil conducteur."
Avec quelques complices, Millimetrik s’est adonné à un exercice de création interactif en invitant à tour de rôle Jacobus de Radio Radio, Josué Beaucage de Who Are You, ainsi que les interprètes Elika et Olenka. "Les collaborations sont presque uniquement vocales (exception faite de Music for Money pour Gong fu cha). J’imposais une pièce musicale maîtresse, mais tous les artistes invités pouvaient chanter dans le ton et avec les paroles qu’ils voulaient. Dans le cas de Jacobus, le résultat est assez spontané. En fait, il était en lendemain de veille et la phrase qui lui revenait sans cesse, c’était "toujours dans ma tête" (titre de la pièce). Parce qu’il avait un mal de bloc, bien sûr, mais aussi pour décrire un procédé d’imagination."
"Mais la surprise est venue de Josué Beaucage avec la pièce Outhouse/I Wish You Will Never Leave, remarque-t-il. Il chante à contretemps et il ne suit pas du tout le rythme de la mélodie. Il a comblé tous les espaces qui restaient dans la musique. Au préalable, je lui avais demandé s’il avait entendu le dernier album de Flying Lotus. Il y a une pièce avec Thom Yorke (Radiohead) qui est vraiment réussie. Ça l’a interpellé. Dans son cas, j’ai pris soin de bien choisir la toune. Elle avait quelque chose d’aérien et j’avais le sentiment que sa voix allait y coller parfaitement. Pour l’ensemble de ces collaborations vocales, je n’ai rien retouché. Aucune coupure, c’est tel quel."
Avec un nouveau spectacle qui sera présenté sous peu dans le cadre d’Antenne-A, l’artiste parachève presque un virage artistique. Même que le répertoire de Mystique Drums risque de se réinventer sur la scène. "Auparavant, j’étais très fidèle au matériel original en spectacle. Remarque, ce n’est pas une mauvaise chose. Il peut y avoir des moments plus réfléchis dans une performance de DJ. Mais les gens sont plus portés à l’introspection lorsqu’ils écoutent un disque à la maison. Dans un club, c’est tout de même normal de les faire danser. Ce ne seront pas deux spectacles raboutés ensemble, le tout coule assez bien. Mais disons que ça lève un peu plus à la fin."
Maintenant affilié exclusivement avec la maison de disques européenne Make Mine Music, Millimetrik visitera l’Europe au mois d’octobre et croisera sur la route la formation italienne Port-Royal. Un réseau européen de diffusion qu’il cultive depuis plusieurs années et dont la gestion semble presque collégiale. "On s’entraide entre artistes et c’est une chance, avoue-t-il. Disons que le réseau "officiel" de la musique électronique est plutôt mal en point. Avec Make Mine Music, on demeure des producteurs indépendants, mais on profite d’un réseau de distribution élargi. Le disque reste essentiel comme outil de promotion, et comme mélomane je ne pourrais pas m’en passer non plus. Mais ce disque ne possède pas de code barres et je me contrefous d’être distribué ou non dans les grosses chaînes de magasins. Je prends le pari qu’avec mon petit réseau de distribution, ce ne sera pas pire anyway."
Millimetrik
Mystique Drums
(Make Mine Music)
À écouter si vous aimez /
Guillaume & The Coutu Dumonts, Music for Money, Ulrich Schnauss