Villagers : Crier au chacal
Musique

Villagers : Crier au chacal

Becoming a Jackal, premier gravé de Villagers, se révèle l’un des albums les plus célébrés de l’année. Pour Conor J. O’Brien – l’homme derrière le nom Villagers – le succès ne fait que lui donner une raison de plus de rester à la maison.

"C’est pas que je ne suis pas heureux, au contraire. C’est plutôt que je tente à tout prix de garder une certaine distance par rapport à tout ça, affirme de but en blanc l’auteur-compositeur-interprète Conor J. O’Brien. Je veux être en mesure de continuer à écrire, continuer à rester créatif et ce n’est pas en m’abreuvant du succès que je pourrai y parvenir." Soit. N’empêche que ses récentes réussites restent colossales. En quelques semaines, Villagers a atteint le sommet des palmarès irlandais, été nommé au prestigieux Mercury Prize (c’est le trio The XX qui a raflé le prix) et, au passage, a pu récolter quelques appuis de taille. De fait, son premier effort, Becoming a Jackal – superbe album folk indé au lyrisme dense et empreint des champs lexicaux propres aux Irlandais (culpabilité catholique, spiritualité littéraire, spleen nébuleux) -, se révèle le seul d’un artiste irlandais à paraître sur la prestigieuse étiquette britannique Domino (Franz Ferdinand, Animal Collective, Arctic Monkeys).

À son grand dam et sans doute comme son acolyte homonyme Conor Oberst – Bright Eyes -, O’Brien voit sa musique comparée, disséquée et étiquetée. La rançon de la gloire ou les effets pervers d’une presse britannique impardonnable? "Ni l’un ni l’autre. C’est la nature humaine. Récemment, j’ai découvert Jackson C. Frank, un troubadour américain. Les chansons qu’il faisait [Frank est décédé en 1999] transcendaient le genre folk ; on ne pouvait jamais le cantonner dans un seul style. C’est justement ce que je tente de faire: me fixer un objectif d’écriture et lâcher prise au moment opportun", répond-il évasivement au bout de quelques secondes. Puis, il ajoute: "Le folk est la musique du peuple et, immanquablement, elle est lourde en portée politique. Ceci dit, tout est politique. Les Spice Girls sont politiques! Mes idées sont plus claires lorsque je les laisse venir d’elles-mêmes. Donc, on peut dire que je fais du folk, mais ce sont mes instincts qui me dictent où aller, pas le fait que j’aie écouté du Neil Young avant de me coucher hier soir."

Ses dernières années d’adolescence, O’Brien les a passées au sein de The Immediate, un quatuor rock dont le premier album, In Towers and Clouds, avait soulevé bien des passions au Royaume-Uni. Incapable de poursuivre l’aventure plus loin, The Immediate a surpris tout le monde en annonçant sa séparation en mai 2007. Probablement la raison pour laquelle Villagers – nom qui provient du fait qu’il n’entachera jamais ses chansons, selon O’Brien -, cette formation-qui-n’en-est-pas-vraiment-une, opère tant en spectacle que sur disque sous un régime dictatorial. Pour le chanteur, c’est la seule façon de procéder. Ce sera d’ailleurs le cas lors de sa première tournée en sol nord-américain, alors qu’il fera cavalier seul, armé de sa six cordes. "J’aime beaucoup être seul sur scène; je ressens plus facilement ce que le public vit et cela crée une relation de réciprocité. C’est du donnant-donnant. Ou du prenant-prenant", conclut-il.

À écouter si vous aimez /
Sparklehorse, Bright Eyes, Jens Lenkman