Kurt Elling : Dévoué à l’art
L’interprète Kurt Elling semble assumer une démarche artistique élitiste qui le distingue sur la scène jazz. Un perfectionniste qui ne laisse personne indifférent.
Malheureusement, les rencontres téléphoniques avec certains artistes ne sont pas toujours des sinécures. Lorsque questionné sur son pianiste et coproducteur, Laurence Hobgood, et la relation professionnelle qu’il entretient avec celui-ci (15 ans de travail et 9 disques au total), le chanteur Kurt Elling nous répond ainsi: "En fait, c’est lui qui prépare mon groupe et qui s’assure qu’il soit bon pour les spectacles. Tout ce que je ne peux pas faire lorsque je dois répondre aux questions d’un journaliste." Elling n’est peut-être pas des plus chaleureux et sa contenance en impose. Mais il semble surtout dévoué entièrement à une démarche artistique qui prend le pas sur tous les aléas du métier.
Après avoir fait ses preuves sur scène en 1998, lors d’une adaptation en musique de l’oeuvre du poète beat Allen Ginsberg à Chicago, l’interprète est vite entré dans la catégorie des vocalists, ceux qui improvisent avec leur voix sur une musique instrumentale tout en usant de la plume pour y ajouter des paroles. Le baryton y est allé d’arrangements audacieux avec Hobgood sur des musiques de Keith Jarrett, Dexter Gordon et Wayne Shorter, entre autres. Et son dernier album, Dedicated to You, prenant pour objet la rencontre artistique entre John Coltrane et Johnny Hartman, est un chef-d’oeuvre esthétique. Elling reste un artiste cérébral et met la barre haute.
"J’ai commencé à faire du jazz dans certains clubs alors que je m’apprêtais à terminer ma maîtrise en philosophie de la religion à l’Université de Chicago, précise-t-il. J’ai toujours chanté, mais j’ai toujours été curieux aussi. Ces études m’ont aidé à satisfaire un désir de compréhension, à être capable de regarder et d’analyser une question de plusieurs façons. En musique, j’ai la même attitude. Lorsque le milieu jazz à Chicago m’a ouvert les bras et m’a adopté dans les années 90, ce fut un soulagement. J’étais maintenant un des leurs! Si j’avais continué dans les études universitaires, je ne crois pas que j’aurais été aussi heureux. Et je ne crois pas non plus que j’aurais connu le même succès."
Avec à son actif quelques conférences sur l’histoire du jazz – et même la publication d’un livre intitulé Lyrics -, nous pouvons conclure que l’artiste est tout de même resté à l’aise avec la transmission du savoir. Il aura d’ailleurs l’occasion de converser sur sa profession lors d’une classe de maître, la veille de son premier concert à Québec.
"Pour être franc avec toi, je me perçois toujours comme un underdog. Une partie de moi se refuse à donner des conseils. La technique demeure importante, mais l’interprétation… c’est quelque chose de très personnel. Je préfère parler de ce que j’ai vécu, de ma vision des choses. Si les gens apprécient et qu’ils y trouvent une source d’inspiration, alors c’est tant mieux. Par contre, il y a une chose que je crois bien faire. Je peux valoriser le répertoire vocal jazz et son histoire. À ce moment, ce n’est plus de moi qu’on parle, mais bien de la musique. C’est ça qui prime." ?
À écouter si vous aimez /
Mark Murphy, Jon Hendricks, Johnny Hartman