Michel Rivard : Théorie des ensembles
Acteur, auteur-compositeur gigantesque, guitariste remarquable, humoriste de circonstance. Il ne manquait pas grand-chose à Michel Rivard outre la chorale et l’opéra folk pour confirmer sa remarquable polyvalence.
Michel Rivard concède sans peine aux chorales du Québec les vertus du courage et de la dévotion: "C’est quelque chose tout de même de se donner la peine d’apprendre, de répéter chaque semaine, le soir, après la job, de se retrouver humblement en gang avec sa p’tite partition…"
"Pour moi, c’est comme si une partie du public montait sur scène… Eux, depuis six mois, ils apprennent 22 de mes chansons…"
"Eux", ce sont les 400 voix d’amateurs qui vont bientôt l’accompagner dans une courte série de trois concerts exceptionnels dans autant de régions du Québec. Sachant qu’une chorale peut être aussi mortelle qu’un samedi soir aux urgences, Rivard a supervisé quelque peu l’affaire. Mais il se sentait, selon son dire, "très confiant dès le départ" puisque les arrangements de ses chansons sont bidouillés par "des gens formidables [qu’il] adore".
Et puis tout ça, pour lui, au final, reste une question d’émotions vives: "C’est un gros buzz démocratique, une chorale. Et franchement, je ne peux rien y faire: depuis la p’tite école, ça m’émeut, ça me donne toujours un gros frisson… C’est que d’l’amour, tout ça!"
ÉMILIIIIIIIE!
Même s’il dit "se payer la traite" dans ce qui l’occupe à longueur de journée, ces trois dates sont peut-être aussi un salutaire hiatus qui le sortira de la composition et des studios où il concocte depuis quelques mois son premier musical, qui n’a rien d’une comédie: Les Filles de Caleb.
Les délais sont courts; premières représentions en avril, la salle est louée, le casting, complet. On lui a proposé le boulot un peu tard, il aurait aimé disposer de quelques mois de plus, pour tout écrire, tout composer, alors il met les bouchées doubles.
Émilie s’égosillant, le taciturne Ovila poussant la chanson? Sorti de l’esprit entrepreneurial de Paul Dupont-Hébert, le défi, peu banal, pourrait flirter avec de dangereux clichés. Alors, Rivard veut faire neuf, frais, croyant plus que jamais aux vertus de la retenue et de la sobriété dans un genre qui a connu plus que son lot de pompiers: "J’ai opté pour le country-folk acoustique, une musique qui n’a pas d’âge… J’ai demandé que ce soit baptisé "opéra folk". Je veux éviter les grandes envolées lyriques, les choses gluantes… On peut faire du théâtre musical sans tomber dans les excès ou le pastiche d’époque. Il n’y aura pas de cheval piaffant en coulisse. On ne chantera pas pour rien… Les interprètes sont magnifiques." Il avance. Il lui reste, dit-il, "à coller des p’tits bouts".
BEAU HOMMAGE
Beau Dommage approche de ses 40 ans, Michel, 58 ans, de la soixantaine. Cinq années ont déboulé très vite sur ce groupe de quasi-adolescents qui, en 1971, regrettaient déjà leur enfance. Pourquoi? "Peut-être me suis-je débarrassé de ma nostalgie dès le début? Ce qui nous a maintenus dans une forte proximité fut de vivre les grands changements de nos vies dans une époque de bouleversements. La liberté était étourdissante. J’essayais de résumer ce qui ressemblait souvent à du désarroi."
Et le train des hommages auquel il ne manque que le Rock Band sur Xbox 360 est passé un peu tôt. Le dernier en date, comédie musicale du genre Fridolinades, a offert, selon Rivard, de belles vertus, dont quelques enchaînements qui l’ont troublé: "La trame narrative était bonne. C’était des gros fans. L’énergie était là. Le public y allait pour s’en rappeler… et même moi, franchement, quand j’ai entendu l’enchaînement Heureusement qu’il y a la nuit / Rouler la nuit et ce Marcher tout seul la nuit sur une route de campagne… ça m’arrachait des frissons. Je suis fier de ma gang. On en a fait une couple de bonnes!"
Depuis quelque temps, il vit des bouleversements personnels vaguement médiatisés. Habituellement volubile, il refuse clairement d’en parler: "Je me rends à la limite en disant que quels que soient les changements, comme tout bon père de famille, j’essaie de trouver un équilibre entre ma vie et mon travail."
Retenons plutôt ceci, qui explique ses remarquables aptitudes de touche-à-tout et sa formidable résilience: "Je ne cible personne quand j’écris de la musique. Une mélodie accrocheuse, c’est tout aussi intéressant qu’une symphonie d’Arvo Pärt."