Rigoletto : Briser le rythme
C’est un Rigoletto bien classique que nous sert l’Opéra de Montréal, avec de belles voix, des décors bien lourds, et aucune surprise.
Lorsque les chanteurs et chanteuses viennent saluer, après la représentation, le volume des applaudissements augmente un peu dans le crescendo allant des petits rôles aux plus grands, et Anthony Michaels-Moore arrive le dernier, puisque c’est lui qui tient le rôle-titre, récoltant moult bravos. Il faudrait cependant que le baryton relève son jeu d’un cran ou deux, aussi bien visuellement que vocalement, pour mériter plus d’applaudissements que le ténor, la soprano ou la basse. Dans les deux cas, c’est un peu d’intention dans le grotesque et un peu de couleur dans le cynisme qui font défaut. Et que l’on mette une bosse à ce bouffon! Sinon, quand il est question du "bossu", l’auditeur non prévenu pourrait bien se demander de qui on parle…
Les décors sont beaux dans cette production du San Diego Opera, mais il faut du temps pour les installer… Particulièrement pour le troisième acte, et, une fois de plus, le deuxième entracte vient complètement briser le rythme de la soirée. Si ce n’était de La Donna è mobile, ce n’est pas l’agonie de Gilda, qui meurt au compte-gouttes, qui nous retiendrait d’en profiter pour filer… Malgré ce dernier commentaire, il faut bien dire que la soprano Sarah Coburn est éblouissante dans le rôle de Gilda, dont les habits lui vont comme un gant. Et elle trouve en David Pomeroy un amoureux transi de premier ordre, le ténor faisant preuve d’un souffle puissant dans une performance qui mérite tous les honneurs.
Les deux rôles de l’assassin Sparafucile et de sa soeur Maddalena donnent un peu d’allant à un troisième acte qui en a bien besoin; la basse Ernesto Morillo a la gueule de l’emploi et une voix qui va aisément chercher la petite note très, très basse en fin de phrase; quant à la mezzo Lauren Segal, elle campe bien le rôle et chante agréablement, bien qu’elle manque manifestement de puissance au moment du quatuor, alors qu’on la perd complètement.
Le metteur en scène François Racine s’est amusé particulièrement dans les scènes de foule et le premier acte est à cet égard une grande réussite, le regard étant sollicité par mille détails. Le chef Tyrone Paterson dirige l’Orchestre Métropolitain efficacement, mais l’action reste bien sur la scène.