Xiu Xiu / Jamie Stewart : Gestalt sonore
Musique

Xiu Xiu / Jamie Stewart : Gestalt sonore

Xiu Xiu s’inscrit dans notre subconscient et poursuit sa lutte existentielle qui prend forme avec le travail de Jamie Stewart. Quand la pop devient thérapie.

Sur la pochette de disque, le visage illustré en noir et blanc est impassible et grave. C’est celui de Jamie Stewart, membre fondateur de Xiu Xiu, et le titre qui l’accompagne est plutôt percutant: Dear God, I Hate Myself. Ce n’est pas la première fois que nous sommes interpellés par la formation d’origine californienne. On ne peut pas dire qu’elle donne non plus dans la pop surannée, alors qu’elle nous bouscule avec l’emploi de rythmiques stratifiées et de textures sonores qui rivalisent d’audace. Et maintenant ce titre qui, d’une certaine manière, nous surprend à peine.

"Chaque disque est inscrit dans une période bien précise, affirme Stewart. Dear God, I Hate Myself est très différent et sa création est le reflet de ce que j’ai vécu ces derniers temps. Je suis aussi attentif aux gens qui m’entourent et aux épreuves qu’ils traversent. Tu trouves que le titre est dur, mais je peux t’affirmer que le sentiment qu’il martèle est véridique. C’était l’état psychique et physique qui m’affligeait à une certaine époque. Mais je ne pourrais pas dire qu’il s’agit d’un nouveau chapitre pour Xiu Xiu. Il n’y a pas d’impératif absolu dans notre travail. Je reste intuitif."

Xiu Xiu semble le fruit exclusif de Stewart. Autant dire un projet solo auquel se sont greffés plusieurs musiciens issus de différentes sphères musicales. L’année dernière, avec le départ de Cory McCulloch, l’arrivée d’Angela Seo a souligné une énième métamorphose. "C’est une très bonne amie, précise-t-il. Elle a fait quelques vidéos pour le groupe par le passé et je savais qu’elle était une très bonne musicienne. Elle est de formation classique, une très bonne pianiste, et elle s’y connaît côté synthétiseurs. Être en tandem avec elle apporte de nouvelles possibilités, c’est sûr. Mais cette transition était naturelle et tombait à point."

L’esthétique musicale du groupe est difficile à catégoriser. Disons seulement que la voix du chanteur semble flirter avec celles des Morrissey et David Byrne. Du moins, la symbiose entre les traumatismes qu’infligent certains sujets et l’interprétation des pièces nous laisse croire qu’il n’y a plus de filtre. Un exercice qui a pris des tendances extrêmes avec des albums comme The Promise et sa pochette provocatrice (un jeune Thaïlandais nu tenant une poupée) et La Forêt, en 2005, inspiré par l’ère de W. Bush aux États-Unis.

"On n’a jamais eu de problèmes avec la censure. C’est une chance que le groupe ne soit pas trop populaire! Mais avec La Forêt, on a eu beaucoup de discussions à propos d’une chanson. J’y parlais de George W. Bush et j’y décrivais mon fantasme: le voir séquestré, agressé et même violé. Lors de la post-production de l’album, on a discuté longuement des mesures légales qui pourraient être entreprises contre le groupe, et moi-même… Il y avait des risques. C’est sans doute la seule fois où j’ai pris conscience que notre création pourrait nous attirer des problèmes. Mais c’est tout de même idiot d’avoir à faire cet exercice. Ce texte était symbolique. Personnellement, je n’aurais jamais l’intention d’agresser qui que ce soit, même George W. Bush…"

À écouter si vous aimez /
Joy Division, Talking Heads, Morrissey