Bran Van 3000 : Apprendre à danser
Musique

Bran Van 3000 : Apprendre à danser

À travers les hauts et les bas d’une vie en montagnes russes, rien ne peut empêcher James Di Salvio de danser. Bienvenue dans The Garden, quatrième album de Bran Van 3000.

Tenez-vous-le pour dit, Bran Van 3000 est de retour pour rester. Penser que l’échec commercial de son dernier disque, Rosé (2007), ou les déboires du leader James Di Salvio (en faillite personnelle) renverraient le groupe dans un long hiatus comme celui qui a suivi la parution de Discosis en 2001 est bien mal connaître la faculté de rebondir du chanteur et instigateur du projet.

Moqueur et lucide bien qu’éternel rêveur, James Di Salvio n’est pas le genre d’artiste pour qui les entrevues sont l’occasion de sortir une cassette pleine de réponses creuses et clichées. Invité dans nos bureaux pour faire la promotion du quatrième album du collectif, The Garden, à paraître la semaine prochaine, le musicien ne se défile devant aucune question. "J’étais très jeune lorsque j’ai compris que j’étais d’une nature extrême", confiera-t-il à propos des hauts et des bas vécus ces dernières années. "Mes down sont vraiment écrasants, et mes up, d’une totale euphorie. Quand rien ne va, j’aime me rappeler une citation de Muhammad Ali lorsqu’on lui a demandé comment il comptait battre George Foreman, un adversaire nettement plus fort que lui: "I am gonna dance, I am gonna dance." C’est la même chose: la musique continue, et je danse en me disant que des gens vivent des drames bien pires que les miens. Et ceux qui jugent de la pertinence de nos albums en fonction du nombre de succès commerciaux (lire Drinking in L.A.) qu’on y retrouve n’ont pas compris l’essence même de Bran Van. Au début ça me touchait dans mon ego profond, mais j’ai appris à en rire."

En marge des bombes radiophoniques, Bran Van est avant tout une constante conversation entre la musique pop et le party, ce que Di Salvio appelle le boogie. Majoritairement confectionné à Montréal, "à la maison, dans le jardin", The Garden ramène les EP Bergen, Stephane Moraille, Sara Johnston et Liquid, en plus de laisser une place de choix aux producteurs de Troublemakers (Marc Bell et Cristobal Tapia de Veer). Même Alexandre Désilets participe à ce tourbillon de soul, de house, de funk, de hip-hop, de rock et de reggae. "Pour nous, le studio est un soundsystem, un club. Les portes sont ouvertes, le monde passe. Tu as les réguliers, tu as les nouveaux, tu as ceux qui restent longtemps, d’autres qui ne préfèrent boire qu’un seul verre. Tout ça m’enlève beaucoup de pression et me permet d’envisager la composition dans la joie."

Malgré tout, à travers la pièce Journey et sa dédicace, The Garden laisse filtrer le deuil encore bien frais de James Di Salvio qui, en avril 2010, a perdu son père, le propriétaire de bars Robert Di Salvio, icône de la vie nocturne montréalaise. "Outre la tristesse, The Garden contient énormément de références à mon père, à commencer par les premières pièces plus chill de l’album. Lorsque j’ai commencé à être DJ dans son bar, vers 15 ou 16 ans, il me disait de ne pas mettre de gros beat en partant, d’attendre que les gens aient commandé plus d’alcool. Il avait raison, plus les musiques d’opéra se succédaient, plus les bouteilles de champagne sortaient. Puis vers minuit, le party explosait. C’est quand il est parti que j’ai réalisé tout ce qu’il m’avait appris dans la vie: la magie, la romance, l’attention aux petits détails, le protocole. Au fond, c’est lui qui m’a appris à danser, que tout était possible."

Bran Van 3000
The Garden
(Audiogram/Select)

À écouter si vous aimez /
Misteur Valaire, DJ Shadow, The National Parcs