Radio Radio : Quand l’habit fait le moine
Poursuivant sa route vers une reconnaissance hors du circuit local, Radio Radio foulera la scène du Mercury Lounge pour un rendez-vous des plus singuliers.
Il y a des signes avant-coureurs qui ne mentent pas. Particulièrement lorsqu’un artiste de la relève arrive enfin à sortir de son "émergence". En 2005, par exemple, la proportion de hipsters présents aux concerts de DJ Champion chutait drastiquement au profit d’une nouvelle clientèle que les hipsters eux-mêmes qualifient de "banlieusards"… Ici, nous opterons plutôt pour l’appellation "gens normaux". L’année suivante, Champion remplissait 12 Métropolis de "gens normaux".
Ainsi, lorsque mon "gens normal" de beau-frère, un type reconnu pour vénérer Kevin Parent, a téléphoné au bureau à la recherche de billets pour les concerts à guichets fermés de Radio Radio lors des dernières FrancoFolies, on se doutait bien du changement qui se tramait. Le crossover de la formation rap acadienne, ce passage difficile par lequel un artiste de la scène locale devient un artiste tout court, était amorcé.
"Disons qu’il y a pas mal de monde qui écoute les matchs de hockey à la télé", explique le MC Gabriel Louis Bernard Malenfant, faisant référence à la publicité de Telus présentée lors de la télédiffusion de joutes du CH, celle où un hippopotame trimballe sa carcasse au son du tube Jacuzzi paru sur Cliché hot, le premier album de Radio Radio. Aujourd’hui, Jacuzzi a carrément surpassé la popularité du groupe, alors que la page Facebook de la pub (ça existe!) compte plus de 40 000 membres, contre un peu moins de 10 000 pour celle du groupe. "Le monde doivent pas trop savoir qui chante Jacuzzi…"
Le théâtre Radio Radio
Mais il y a plus. D’abord considéré comme une simple curiosité de par sa langue distinctive, ce mélange d’anglais et de français que l’on nomme chiac, Radio Radio est revenu transformé sur sa deuxième offrande: Belmundo Regal. La force mélodique et dansante des Cargué dans ma chaise, 9 Piece Luggage Set, Dekshoo et Guess What? a non seulement permis au combo d’être sur la courte liste du prix Polaris, mais aussi de collectionner les nominations sur plusieurs tableaux: 5 au GAMIQ, 5 à l’ADISQ, 2 aux Nova Scotia Music Awards…
Arborant leur nouveau look chic mais décontracté, Malenfant, Jacques Alphonse Doucet et Alexandre Arthur Bilodeau y brillaient par leur attitude cool et nonchalante. Finis les pantalons larges, les baskets, les kangourous et les casquettes. Maintenant, les rappeurs portent le pantalon de toile, les souliers loafers, le veston et la chemise ajustée. "C’est un avantage de la vie artistique: le mythe que tu te crées devient vite ta réalité, poursuit Malenfant. Utiliser nos noms complets plutôt que nos surnoms m’a amené à revoir ma manière de vivre. Ça me force à ralentir pour m’assurer de bien faire les choses, comme utiliser des accents lorsque j’écris des textos. S’inventer des personnages nous permet aussi de jouer avec les médias. On peut donner deux réponses différentes à la même question. De toute façon, vous aimez ça, les journalistes. Ça vous donne de bonnes histoires fresh et originales à raconter. Mais tu regardes, il y a une continuité entre Cliché hot et Belmundo Regal. Dans les deux cas, il y a l’histoire: l’esthétique crade d’un stand à patates des années 60, puis le luxe de la Nouvelle-France du 18e et 19e siècle."