Daran : Du crayon à la musique

À table dans un bistro montréalais, le chanteur Daran interrompt son repas quelques instants pour nous parler de ses prochains concerts au Québec. Cette tournée sort de l’ordinaire en nous offrant l’artiste non pas avec un groupe, mais plutôt avec le dessinateur Michel Alzéal, lequel a créé la bédé Couvert de poussière autour de l’oeuvre de Daran et des textes qu’il a interprétés, ceux d’Alala Filippi, de Miossec et de Pierre-Yves Lebert, entre autres. "L’idée lui est venue car il dessine toujours en musique, précise Daran. Il est le seul instigateur de tout ça et lorsque le projet est apparu sur mon bureau, je n’ai pas hésité. De voir avec quelle facilité il est capable de créer un dialogue avec des textes qui, parfois, ont été écrits à 10 ans d’intervalle, c’est épatant. C’est une relecture. Mais vous, journalistes, êtes en mesure de savoir ce que c’est de sortir une phrase de son contexte!" affirme-t-il à la blague.

En voyant une sélection de son oeuvre illustrée dans un scénario original, Daran a eu l’idée d’appuyer la bédé avec une compilation sur disque des quelques pièces qui ont inspiré Alzéal. "Je n’aime pas les compilations, ça vole les gens. La plupart du temps, elles ne sont que des produits marketing voulus par des labels. Ça bouche un trou entre deux albums ou ça sonne carrément la fin de carrière d’un artiste! Du genre prétentieux: ma vie, mon oeuvre! Alors, j’ai voulu rendre l’exercice plus agréable et voler un peu moins les gens. Je suis retourné au studio avec le groupe et on a actualisé le son de ces chansons. Plusieurs y trouvent même la forme actuelle qu’elles ont sur scène. Et j’ai ajouté Les filles qui font la gueule, une chanson inédite qui traînait sur le bureau de Pierre-Yves (Lebert, parolier) et qui ne marchait pas sur l’album Le Petit Peuple du bitume."

Pour la scène, l’artiste a choisi de plonger dans le vide et d’exposer ces chansons dans une formule acoustique. Lui-même constate que, dépourvu d’amplis, il devient presque vulnérable. Mais c’est la présence de Michel Alzéal qui sera le clou du spectacle. "Cet été, on m’a demandé d’aller jouer à Avignon lors d’un festival de théâtre. Plutôt que d’y amener la grosse production, qu’il aurait été impossible d’adapter pour la salle, je m’y suis présenté en solo avec Michel à mes côtés. Lui a dessiné sur scène tout au long de ma prestation acoustique et il exposait ses oeuvres au fur et à mesure. Ça a marché, alors j’ai décidé de peaufiner le truc en installant sur la scène un écran qui montrera l’évolution de son travail en direct. C’est une forme de communion musique et image. Il y a des moments où le trait de crayon dirige la musique et vice versa."

Daran se délecte même de la réaction de son nouveau collaborateur face à cette aventure. "Il aime la musique, alors j’espère qu’il aura le sens du rythme! Il a un regard d’enfant sur tout ça. Un dessinateur, c’est un artiste de l’ombre, enfermé dans sa chambre avec du papier et des crayons. Là, il se retrouve sur une scène au contact des gens… à signer des centaines d’autographes!" explique l’artiste.

A écouter si vous aimez /
Miossec, Noir Désir, Alain Bashung