John McLaughlin : Un monde parallèle
Musique

John McLaughlin : Un monde parallèle

Le guitariste John McLaughlin s’est métamorphosé plusieurs fois et il poursuit une quête personnelle qui renouvelle le jazz. Avec lui, il n’y a plus de frontières.

Devant un groupe appelé 4th Dimension, on devine une intention artistique futuriste ou encore mystique. Du moins, on est en droit de s’attendre à une vision renouvelée du jazz. Le guitariste John McLaughlin nous a habitués tout au long de sa carrière à des métamorphoses singulières, ponctuées par des métissages culturels passionnants. Avec les musiciens Gary Husband (clavier), Hadrien Feraud (basse) et Mark Mondesir (batterie), il repousse encore les frontières de la création depuis trois ans.

Son dernier album s’intitule To the One et nous offre une réflexion parallèle à l’album A Love Supreme de John Coltrane, une production légendaire dans la carrière du saxophoniste américain. "En 1965, je ne comprenais absolument rien de cette musique, mais nous étions tous fascinés par le travail de Coltrane", se rappelle le guitariste anglais qui est aussi connu sous le nom de Mahavishnu. "C’était nouveau! Seul le poème qui porte ce titre et qui se retrouve à l’arrière de la jaquette de ce disque pouvait nous donner quelques indices sur l’état d’esprit de sa création. À cette époque, je commençais déjà à m’intéresser à la spiritualité, ma quête débutait. Ce poème était très inspirant. Je savais qu’un jour ou l’autre, j’allais avoir le bagage nécessaire pour saisir l’essence de cette oeuvre gigantesque."

N’allez pourtant pas conclure à un geste prémédité de la part du virtuose pour accomplir un hommage conceptuel comme il s’en fait tant dans le milieu jazz. Au contraire, McLaughlin a composé instinctivement une musique au gré de plusieurs séances d’improvisation en compagnie de ses musiciens émérites. Ce n’est qu’à la toute fin de l’enregistrement, à l’écoute des six nouvelles pièces de cette production, que le lien avec Coltrane lui est apparu.

"Ça fait très longtemps que je m’intéresse à John Coltrane, mais l’album To the One n’a jamais été conçu comme un disque hommage. Ces nouvelles compositions traduisent en musique un état d’esprit particulier. Avec cette musique, on s’adresse à quelque chose de plus grand que nous, du moins c’est le but de l’exercice. J’imagine que dans mon subconscient, il devait y avoir une synthèse de l’oeuvre de Coltrane qui s’opérait, 45 ans plus tard. Me voici maintenant avec ma propre réponse, une réflexion en face d’une oeuvre qui m’a nourri comme musicien pendant plusieurs années."

Il serait difficile de ne pas revenir dans le temps pour questionner John McLaughlin sur son travail au sein de l’orchestre du trompettiste Miles Davis. Avec les albums Bitches Brew et Live-Evil, le guitariste collaborait à une nouvelle expérience qui allait révolutionner le jazz. "Les gens ne cessent d’avoir cette fausse perception à propos de Miles. Selon plusieurs, il était tout sauf spirituel, et c’est faux. Pour ma part, être spirituel, c’est d’être un homme ouvert d’esprit. C’est inclusif, ouvert à tous, et Miles l’était. C’est ce que je tente de rappeler aux gens qui me questionnent sur le Mahavishnu Orchestra, ma passion pour l’Inde et la spiritualité. Je ne suis pas un gourou, je m’intéresse seulement aux cultures qui nous entourent et à communiquer avec elles en musique."

À écouter si vous aimez /
John Coltrane, Mahavishnu Orchestra, Charles Lloyd