Fabiola Toupin : Le coeur a ses raisons
Musique

Fabiola Toupin : Le coeur a ses raisons

Trois ans après le poétique Je reviens d’ici, Fabiola Toupin propose Quand l’amour bascule, un album pop qui vise la masse.

Fabiola Toupin ne s’en cache pas. La Trifluvienne, qui s’est récemment associée à l’équipe d’À l’infini communications, emprunte une voie plus commerciale en lançant son nouveau gravé, Quand l’amour bascule. Un choix soupesé qui, insiste-t-elle, ne va pas à l’encontre de ce qu’elle est.

"Ça respire beaucoup plus que sur Je reviens d’ici. C’est moins dense, plus épuré. Le premier album a été fait avec les poèmes parce que j’avais ces chansons-là. Mais depuis, je n’ai pas remis en musique des poèmes, à part, à deux ou trois reprises, pour des événements particuliers. Ce n’est pas le coeur de ma démarche artistique. Moi, j’aime les mots, qu’ils soient mis au service de la poésie ou de la chanson. Ça, c’est d’ailleurs un autre débat: est-ce qu’une chanson, c’est un poème? Est-ce qu’un chansonnier, c’est un poète? Moi, je pense que oui. Du moment qu’on utilise la langue française pour créer des images, pour nous faire voyager, pour nous raconter une histoire ou pour nous faire rêver, quant à moi, on est dans la sphère de la poésie."

S’ils visent la masse, les 12 textes de ce deuxième disque n’ont en effet rien de simplet. Comment pourrait-il en être autrement puisque certains d’entre eux portent la signature de paroliers émérites (Lynda Lemay, Claude Lemesle) et d’auteurs mauriciens bien en vue (Daniel Morissette, Baptiste Prud’homme, Manu Trudel)? "Parmi tous les auteurs, j’ai des artistes de la région. C’est important pour moi. Mais au-delà de ça, je les ai choisis parce que ce sont des artistes de grand talent. Par exemple, Baptiste Prud’homme, qui a déjà fait ses preuves sur la scène nationale, m’a envoyé une pièce (Attends-moi) en me disant: "Il me semble que je t’entendrais chanter ça." De fait, j’adore l’interpréter. Je la décris comme une espèce de complainte de marin. Avec l’accordéon, on a l’impression d’être sur un bateau qui vogue à la dérive. C’est la complainte d’une femme qui se perd de naufrage en naufrage dans ses amours. C’est vraiment un cri du coeur. Là, j’ai simplement un refrain qui dit "Attends-moi". C’est la première fois que j’interprète une chanson où, dans un refrain, je dis quatre fois la même chose. Moi, je suis habituée de chanter des textes super élaborés et Baptiste m’a permis de me mettre au service d’un texte comme ça, d’une grande simplicité, mais qui me ramène dans une émotion très brute."

Blou, l’un des deux réalisateurs de l’album avec Réjean Bouchard (Chloé Sainte-Marie), a également offert une pièce à la fougueuse interprète: Mon requiem. "C’est une grande chanson introspective, qui est comme une renaissance, soutient la jeune femme. Ça me fait penser à une période un peu plus difficile que j’ai vécue il y a peut-être deux ans, où je remettais beaucoup de choses en question. Des fois, dans mon métier, on finit par se demander pourquoi on fait tout ça. Est-ce que ça sert à quelque chose? Est-ce que ça touche les gens? Je m’en vais où avec tout ça? On remet tout en question pour finalement reconnecter avec l’enfant qui est en nous, avec l’essentiel, avec celui qui veut juste être là, chanter, être aimé et dire qu’il aime."

UN FAUX HASARD

Parmi les autres sujets explorés sur Quand l’amour bascule figurent la réconciliation (Le Vent, le premier extrait radio), la fougue d’un amour naissant (On s’est pris un appart’) et la mort (Neige). "Il y a trois ans, une auteure-compositrice que je n’ai jamais rencontrée m’avait envoyé un petit CD avec des propositions de chansons. J’en avais gardé une que je trouvais magnifique: Neige. Je l’aimais, mais je ne l’avais jamais chantée parce qu’elle parle d’un jeune homme qui est mort probablement d’une maladie – ce n’est pas clair: "Il est mort au combat dans une drôle de guerre." Je ne connaissais personne dans mon entourage proche à qui cette chanson me faisait penser. Quand j’ai rencontré mon copain, il m’a confié qu’il avait perdu un frère qui est décédé du sida à l’âge de 25 ans. Quand est venu le temps de trouver les chansons pour l’album, j’ai ressorti cette pièce-là. J’ai pensé à son frère et je me suis dit: "Tiens, c’est pour lui que je l’ai gardée, c’est de lui que ça parle." J’ai contacté l’auteure et je lui demandé s’il était possible de changer un petit mot dans le texte, car elle, elle écrivait: "Il avait les yeux clairs et 19 ans à peine". Moi, je voulais chanter "et 25 ans à peine" pour faire référence au frère de mon copain. Et elle m’a dit: "Écoute, j’ai écrit cette chanson-là pour un jeune homme de 19 ans qui est mort du sida." Quand elle m’a avoué ça au téléphone, j’étais sans mots, j’avais des frissons. Il n’y a pas de hasard, raconte-t-elle, émue. Elle était là pour ça, cette chanson."

TOUJOURS L’AMOUR…

Nul doute que l’amour occupe une place de choix sur le nouveau-né de Toupin. "C’est l’amour qui bascule dans tous les sens. C’est l’amour qui passe de la désillusion à la renaissance. Et c’est vraiment ce qui s’est passé pour moi à partir du moment où j’ai sorti le premier album et que j’ai décidé de faire le deuxième. Ça a été un moment où j’étais déçue de l’amour, j’étais presque désillusionnée. Je ne réussissais pas à trouver mon nid, ma place. Et pourtant, j’avais des envies de couple, de partager ma vie avec quelqu’un, d’avoir un compagnon de route. J’ai toujours recherché ça. Et je n’y arrivais pas, même si je ne nie pas avoir rencontré des hommes formidables; je les porte d’ailleurs tous en moi. Puis, j’ai rencontré Frédéric. Ça a fait basculer ma vie! Ça m’a fait déménager, m’a remise en phase dans ma vie et a ramené la sérénité en moi."

Un changement qui est allé jusqu’à influer sur l’enregistrement de Quand l’amour bascule. "En studio, ça a été rapide et très efficace. Pour la production de cet album, j’ai délégué beaucoup. Je n’aurais pas été capable de le faire comme le premier, où j’ai tout pris en main. Cette année, c’est comme si je ressentais le poids de mes sept années de tournées et de spectacles non stop. C’est comme si je sortais de tout ça fatiguée. Martine [Girard, la coproductrice] a pris le relai dès le départ. C’est pour ça que cet album a pu se faire, parce que j’ai lâché prise, que j’ai fait confiance."

Fabiola Toupin
Quand l’amour bascule
(À l’infini communications / Sélect)

À écouter si vous aimez /
Pauline Julien, Sylvie Paquette, Josiane Paradis