Gaële : Avoir la pêche
Musique

Gaële : Avoir la pêche

Gaële s’est taillé un Diamant de papier gros comme la pêche qu’elle a lorsqu’elle monte sur scène. Jasette emmitouflée avec la chanteuse.

Matin cotonneux où l’automne et l’hiver jouent au chat et à la souris. Tous auraient préféré "rester couchés", y compris Gaële. Pas de hasard, c’est le titre d’une des chansons de son Diamant de papier de plus récent album. Elle est quand même fidèle au rendez-vous, tout emmitouflée, les pommettes rouges, l’oeil vif, le visage encadré par les plus belles boucles d’oreille vermeilles de la galaxie. "J’ai aimé voir la neige ce matin", avoue-t-elle, fébrile, avant de nous jaser de son nouveau spectacle, ne ménageant pas les adjectifs. On croirait entendre la logorrhée d’un rock critic. "J’avais fait le disque dans un esprit live, rappelle-t-elle. Je voulais qu’il y ait du coeur, beaucoup de percussions, du rythme, de la légèreté, que ce soit moitié dansant, moitié romantique. Moitié folie, moitié tendresse. Des ambiances tantôt enveloppantes, tantôt éclatées. J’aimerais qu’on sente ça, et ma maturité, sur scène."

Éclaté, il l’était certes, ce disque. Fougueuse, théâtrale, toujours la pêche dans la voix, même quand elle chante l’identité et la vie intérieure, Gaële passe du reggae (chouette collaboration avec Kodiak sur Donnant donnant) à la chaleur endormie d’une berceuse susurrée (Rester couchés). Ce que ça donne en concert: "J’ai appris à travailler les contrastes, à faire de la place aux mots les plus piquants ou les plus percutants. Un gros silence me permet de faire un move de cave bien caricatural qui me ressemble." "Move de cave"? Ne chantiez-vous pas que vous n’auriez jamais "l’accent d’icitte"?

LA VIE D’ARTISTE

Lestée du fardeau de gérante et de relationniste, la jeune chanteuse de l’an 2010 en vient parfois à oublier sa véritable vie d’artiste, de créatrice. "Il y a beaucoup de chapeaux à porter quand tu es en émergence. Juste avec Internet: faut que tu mettes ton Facebook à jour, ton MySpace à jour, faut que tu tweetes, que tu flickres", énumère Gaële, pas pour nous faire pleurer mais plutôt pour dire comment il fut un bonheur d’atterrir à Natashquan cet été pour 10 jours d’ateliers avec sept autres auteurs-compositeurs et Gilles Vigneault (une opportunité jointe au prix André "Dédé" Fortin qu’elle remportait en 2009). "On a énormément parlé de poésie, c’était très axé sur la littérature, sur le texte. J’ai retrouvé ce bonheur de juste prendre un papier, un crayon et d’aller m’asseoir au bord de l’eau à perte de vue, devant des kilomètres de forêt vierge. Ça m’a redonné confiance en mon style d’écriture."

Pas qu’elle ait jamais vraiment perdu ses moyens, mais entre la parole des interprètes à qui elle prête son stylo et la sienne, vaut mieux se méfier de la schizophrénie. "Certaines personnes m’ont dit qu’ils pensaient que les chansons que j’ai écrites pour Marie-Pierre Arthur étaient d’elle tellement ça lui correspondait. C’est la plus belle qualité de ma plume, qu’elle soit caméléon. Mais c’est dur – c’est une drôle d’expression – de rentrer dans la bouche de quelqu’un sans s’y perdre."

À écouter si vous aimez /
Jeanne Cherhal, Agnès Bihl, Alfa Rococo