Jimmy Hunt : L'élégance retrouvée
Musique

Jimmy Hunt : L’élégance retrouvée

D’homme-orchestre à homme orchestré: le nouvel envol solo de Jimmy Hunt.

On l’a surtout connu – en bien comme en mal – comme le chanteur des trublions rock Chocolat, mais bien avant cette pause calorique, c’est en solo que Jimmy Hunt s’était attaqué à la scène montréalaise, dès son arrivée de Québec il y a huit ou neuf ans. "C’était pas si différent de ce que j’ai fait par la suite… Un mélange de folk, de chanson pis de rock", décrit Hunt, ironiquement occupé à cuisiner un potage au moment de notre conversation (fini les sucreries: on mange santé). Après avoir tiré 200 exemplaires d’une première carte de visite artisanale, en 2003, il écumait les tripots locaux en formule homme-orchestre (guitare à la main, harmonica à la bouche, grosse caisse au pied) jusqu’à la formation, en 2006, du petit ouragan classic rock bien "queb". On connaît la suite documentée par le film Élégant, de Yan Giroux: l’album Piano élégant, le grabuge au FME et aux Îles-de-la-Madeleine, le départ en trombe du label Grosse Boîte…

Au moment de coucher les maquettes du Chocolat nouveau, en 2009, le navire était devenu difficile à manoeuvrer: divergences d’opinions, déménagements… Le dessert n’est pas gâté, mais il dort au garde-manger jusqu’à nouvel ordre. Hunt, pendant ce temps, revient à ses premières amours avec un second effort solo tout en chanson, en folk, en orchestrations opulentes, mais finalement assez peu de rock. "Je ne me suis pas dit que je ferais un album de ballades sensibles, ou quoi que ce soit… Ça a simplement été fait dans une période où ce genre de chansons me venaient. J’avais moins besoin de tirer sur des cordes grinçantes, davantage envie de jouer avec une autre matière", témoigne le chanteur, qui s’est entouré pour l’occasion du réalisateur Martin Chouinard, un compère de longue date qui avait également réalisé son premier album, ainsi que du guitariste/claviériste Emmanuel Éthier (Coeur de Pirate, Passwords), du batteur Guillaume Éthier de même que de Patrick Gosselin à la pedal steel et aux claviers.

"J’aime beaucoup l’orchestration, tout ce qui se rapproche de la musique classique, même si je ne connais pas bien ça du tout", indique celui qui dit avoir été élevé principalement au son d’Ennio Morricone, des Beatles et d’Elvis Presley, et avoir gravité naturellement par après autour de Gainsbourg "puisqu’il a habilement mélangé tout ça". L’album, au départ, devait être une affaire plus dense encore. "On voulait utiliser des chorales d’hommes, pas nécessairement avoir de batterie… On voulait vraiment utiliser des influences du cinéma. Mais dans le processus, ça a fini par prendre une direction plus accessible. Y a des chansons plus proches du folk qui se sont ajoutées à la toute fin… Je pense quand même que ça se rapproche de ce qu’on voulait faire."

Hunt a peut-être délaissé l’attaque rock, mais pas son style lyrique et mélodique direct, dépouillé, reflet d’une approche de la composition plus instinctive qu’étudiée. "C’est presque des blues. J’enlève le superflu, je garde juste le squelette. J’aime pas les métaphores tirées par les couilles, le beau mot qui sert pas la toune…. C’est de la chanson, pas de la littérature!" Encore une fois (comme à l’époque de Chocolat), beaucoup d’histoires de filles, sur lesquelles le chanteur reste discret. "Y a des trucs très personnels que j’ai laissés sur le disque en me disant que ce serait perçu comme ce serait perçu… Tant que les gens se les approprient. J’ai pas nécessairement envie d’en parler plus. Si je m’étale là-dessus, ça va devenir un peu 7 jours…"

De retour, contre toute attente, à Grosse Boîte ("on a fait le point; on est over it…"), Hunt se préoccupe peu de cette aura de mauvais garçon qui lui colle désormais à la peau. "Je vis avec, je laisse aller. C’est bon et c’est mauvais en même temps. Ça plaît à du monde, ça déplait à d’autres. Si j’avais une réputation de bon garçon, ce serait la même chose. De toute façon, je ne suis pas dans le même état d’esprit qu’avec Chocolat. Ça ne risque pas d’être le même scénario, surtout avec le genre de musique que je fais présentement. Je me verrais mal casser une bouteille de bière sur le stage entre deux ballades. J’aurais l’air un peu débile."

À écouter si vous aimez /
Robert Charlebois, Serge Gainsbourg, Dan Auerbach