Land of Talk : Cris et chuchotements
Musique

Land of Talk : Cris et chuchotements

Figure de proue du navire Land of Talk, la chanteuse-guitariste Elizabeth Powell fait un petit deuil et puis renaît.

À la fin août, Land of Talk a lancé un second album complet marqué d’un joli paradoxe. D’un côté, il y a la participation de la crème de la communauté musicale du Mile End; sont passés aux studios Breakglass les Patrick Watson, Jeremy Gara (batteur d’Arcade Fire), des membres des Stars, de Wintersleep et des Besnard Lakes – Jace Lasek signe la réalisation de Cloak and Cipher. De l’autre, Elizabeth Powell a dû accepter d’assumer complètement son statut de pivot, de figure de proue. "Ça m’a pris du temps à abandonner l’idée de faire partie d’un groupe, d’une famille à la Pixies ou Nirvana. Ce sont les circonstances qui décident de l’évolution de Land of Talk, observe dans un français agile celle qui a grandi à Guelph, en Ontario. Au début, c’était le manque de temps et d’argent, puis il y a eu le départ des musiciens de l’alignement original… Avec le temps, une chose devient claire: Land of Talk, c’est moi."

La musicienne dont l’énergie, les allégeances musicales et le timbre de voix évoquent Emily Haines a laissé libre cours à toutes sortes d’idées sans devoir rendre de comptes. Certaines chansons sont nées au bout d’un processus d’écriture peu orthodoxe: "J’étais au chalet avec mes guitares et un livre dont la misogynie m’exaspérait: Couples de John Updike. Alors j’ai entrepris de le censurer pour mon plaisir. Avec un marqueur noir, je rayais les passages qui m’irritaient pour ne conserver que les bouts de phrases poétiques ou musicaux. À la fin, ce qu’il en est resté s’est avéré inspirant", rigole la musicienne qui a aussi puisé dans un livre l’idée du titre de l’album. "Je suis tombée sur un bouquin qui relatait l’histoire de l’art de crypter les messages pour être compris par un cercle restreint. Que ce soit quand t’es jeune avec ta meilleure amie ou l’encodage de messages à des fins militaires ou d’espionnage, ce livre m’a fascinée. Cloak and Cipher est une lettre d’amour secrète. Mais je ne voulais pas que ce soit littéral, ni me rendre au confessionnal, d’où cette idée d’un message voilé par un code."

Solide guitariste armée d’une Gibson SG – comme Ian MacKaye de Fugazi, qu’elle cite parmi des influences surtout issues du rock des années 90 (Sonic Youth, Nirvana, Pavement, Sebadoh) -, Elizabeth a dû réapprendre à chanter, comme Feist, avant de devenir l’interprète au timbre feutré que l’on sait. "Je me sentais en compétition avec les amplis et la batterie et je donnais tout ce que j’avais à chaque prestation." Jusqu’à ce que la voix défaille peu après une série de shows aux côtés de Broken Social Scene. "J’avais associé douleur et chant. Il m’a fallu non seulement réapprendre à poser la voix avec un professeur, mais aussi à prendre soin de moi, à reconnaître mes limites. J’ai appris que de chanter aussi haut n’était pas naturel pour moi, dit celle qui a dû garder le silence pendant 18 jours. Ça a été terrible sur le coup, mais maintenant je me sens mieux quand je chante. Je réalise que perdre la voix a sauvé ma vie musicale."

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St. Vincent, Emily Haines, Julie Doiron